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Violoncelle fauve

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
05/23/2013 -  et 24* mai 2013
Olivier Messiaen : Les Offrandes oubliées
Ernest Bloch : Schelomo
Piotr Illitch Tchaïkovsky : Symphonie n° 6 «Pathétique», opus 74

Nicolas Alstaedt (violoncelle)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


N. Altstaedt (© Marco Borggreve)


A l’occasion du retour de Marko Letonja à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, il fallait vraisemblablement s’attendre à l’un ou l’autre moment de fléchissement au cours d’une période d’activité particulièrement lourde. Le sort aura finalement choisi une Sixième Symphonie de Tchaïkovsky pour laquelle Marko Letonja paraît s’être trop fié aux réflexes naturels d’une phalange encore techniquement convalescente. Temps de répétition insuffisant sans doute, fatigue relative aussi, rien dans cette Pathétique ne marque vraiment, si ce n’est un troisième mouvement Allegro molto vivace aux flamboiements attendus, voire faciles, mais efficaces. Admirons aussi l’autorité souveraine du geste du chef à l’issue du dernier tutti, bras gauche braqué vers le public avec une telle force que les applaudissements inappropriés habituels après ce mouvement... sont étouffés dans l’œuf. En définitive, tout ici tient de la bonne mise en place, sans incident technique majeur, encore que le timbre de la flûte ne soit vraiment pas du tout avenant. Mais enchaînements et construction, essentiels pourtant dans une œuvre aussi sensible, au-delà des effusions de surface, restent davantage ébauchés que convaincants.


Le climax du concert se situe clairement avant, au cours d’un Schelomo d’Ernest Bloch où le jeune violoncelliste Nicolas Alstaedt met carrément le feu aux poudres. Ne pas se fier à son abord plutôt décontracté, car dès qu’il s’agit d’attaquer la moindre note ce soliste-là se métamorphose en grand fauve, tirant de son instrument des phrases d’une intensité à peine croyable. L’épopée biblique atteint ici tout naturellement des dimensions de spectacle en cinémascope, que Marko Letonja ne se fait pas prier pour relayer à l’orchestre. Aucune facilité cependant, mais un ouvrage de grand format restitué à sa juste valeur, par un interprète à qui toutes les audaces semblent permises. On croit volontiers même que l’on pourrait tolérer d’un tel tempérament quelques vraies doses de mauvais goût, incartades dont il s’abstient cependant avec une remarquable sûreté. Assurément, depuis Rostropovitch ou Pergamenshikow (l’un des principaux professeurs de Nicolas Alstaedt, justement), on n’avait rien entendu d’aussi irradiant au violoncelle. Espérons simplement qu’une telle présence vaudra à ce soliste d’exception d’être fréquemment réinvité.


Bis surprenant : une pièce de Jean-Baptiste Barrière (non, pas celui de l'IRCAM, l'autre : 1707-1747), où l’on ne s’aperçoit qu’au bout de quelques secondes qu’en fait le soliste n’est pas seul mais soutenu par un continuo assuré par le premier violoncelle de l’orchestre, en l’occurrence ce soir là Véronique Fuchs, pour un moment chambriste agréable et allant.


En ouverture de concert les brèves Offrandes oubliées de Messiaen, créées en 1931 apportent elles aussi une certaine originalité. Cela dit, au-delà de l’alibi religieux imposé par les titres («La Croix», «Le Péché», «L’Eucharistie»), les trois volets de cette méditation symphonique paraissent d’un langage encore relativement timide, bien maladroitement dégagé d’influences logiquement exercées par Debussy et Stravinsky. Mais en guise de mise en condition, avant le grand souffle de Schelomo, leur exécution est intéressante.



Laurent Barthel

 

 

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