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Casse-doigts Strasbourg Palais de la Musique et des Congrès 01/31/2013 - et 1er février 2013 Antonín Dvorák : Othello, opus 93, B. 174 – Nocturne en si majeur, opus 40, B. 47
Sergei Prokofiev : Concerto pour piano et orchestre n° 2 en sol mineur, opus 13
Sir Edward Elgar : Variations sur un thème original « Enigma », opus 36 Jean-Efflam Bavouzet (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Erik Nielsen (direction) J.-E. Bavouzet (© Paul Mitchell)
A voir Jean‑Efflam Bavouzet dévaler son clavier sans cesse, tantôt de bas en haut tantôt de haut en bas, plusieurs doigts de chaque main protégés par de petits cylindres en gaze afin d’éviter de se blesser lors d’un énième glissando, on finit par penser qu’un pianiste aussi fin coloriste dans Debussy et aussi admirable musicien dans Haydn gaspille quelque peu ses qualités à broyer de l’ivoire dans le Deuxième Concerto de Prokofiev. L’ampleur du jeu ne fait pas défaut, le rapport de volume sonore par rapport à l’orchestre reste toujours bon, les traits les plus percutants font de l’effet et la vélocité impressionne. Cela dit, il faut ici des doigts d’acier et une assise de titan, force de frappe qu’un Toradze, une Argerich ou un Bronfman possèdent de façon plus impérieuse aujourd’hui. Sous les mains pugnaces de Bavouzet la cadence du premier mouvement sidère, mais un nombre non négligeable de notes à côté et une relative sensation de plafonnement à mi‑parcours rendent l’exploit trop humain, trop audiblement perfectible. Réserves mineures évidemment, mais qui nous renforcent dans notre frustration : un tel pianiste pourrait nous donner tellement plus dans d’autres répertoires qu’ici, s’amusant pour un soir à jouer les gros bras.
Prokofiev a toujours très bien réussi à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, dont le partenariat avec Bavouzet se négocie avec une enviable précision, voire au cordeau, exactitude que le jeune chef Erik Nielsen n’a plus qu’à coordonner sans paraître excessivement interventionniste. Auparavant, malheureusement, cette gestique qui se borne à indiquer élégamment les entrées paraît insuffisante ou en tout cas timide, dans l’incapacité de nous faire comprendre les motivations du choix de la rare Ouverture Othello de Dvorák, pièce relativement longue qui aligne une succession de motifs d’une carrure parfois évasive. Souvent la cohérence du propos se dissipe, et la précipitation finale vers un dénouement que l’on suppose dramatique arrive d’un seul coup, sans grand préavis. Aux prises avec une œuvre qu’il ne connaissait pas, l’orchestre fait bonne figure mais n’affiche pas non plus son implication des grands jours, face à une partition qui laisse perplexe.
Conclusion toujours bienvenue avec les Variations « Enigma » d’Elgar (on en oublierait presque le délicat Nocturne pour cordes de Dvorák glissé juste avant, et à vrai dire relativement écrasé par un tel voisinage). Erik Nielsen y déploie une bonne connaissance du texte et de bons réflexes, menant à terme sans encombre un cycle de variations où l’intérêt de trouve sans cesse renouvelé mais où chaque étape pourrait se trouver détaillée avec encore davantage de minutie et d’approfondissement. En l’état, une bonne fin de soirée, gérée par un chef qui nous paraît encore un peu vert.
Laurent Barthel
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