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On tapine chez Ondine

Geneva
Grand Théâtre
06/13/2013 -  et 16, 19, 21, 24, 27 juin 2013
Antonin Dvorák : Rusalka, opus 114
Alexey Tikhomirov (L’Esprit des eaux), Camilla Nylund (Rusalka), Birgit Remmert (Jezibaba), Ladislav Elgr (Le Prince), Nadia Krasteva (La Princesse étrangère), Elisa Cenni, Stéphanie Lauricella, Cornelia Oncioiou (Dryades), Hubert Francis (Le Garde-Chasse), Lamia Beuque (Le Marmiton), Khachik Matevosyan (Le Chasseur)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (direction), Orchestre de la Suisse Romande, Dmitri Jurowski (direction musicale)
Jossi Wieler, Sergio Morabito (mise en scène), Samantha Seymour (reprise de la mise en scène), Barbara Ehnes (décors), Anja Rabes (costumes), Olaf Frese (lumières), Chris Kondek (vidéo), Altea Garrido (chorégraphie)


C. Nylund (© GTG/ Vincent Lepresle)


C’est bien connu, le temps apaise les esprits. Alors que la production de Rusalka imaginée par les metteurs en scène Jossi Wieler et Sergio Morabito avait déclenché de très vives protestations du public tant à sa création à Salzbourg à l’été 2008 que lors de sa reprise à Londres en mars 2012, elle a été accueillie dans le calme, voire l’indifférence à Genève, où seuls quelques sifflets sont venus troubler des applaudissements plutôt tièdes. Manifestement, la grande majorité des spectateurs de la première n’ont pas été choqués outre mesure par le lupanar kitsch aux teintes blafardes dans lequel est transposé l’opéra de Dvorák, par Rusalka devenue ici une prostituée qui rêve de s’affranchir de sa condition et de tomber véritablement amoureuse pour tourner le dos une fois pour toutes aux relations tarifées, par les ondines travaillant, elles aussi, dans le bordel et s’affichant dans des poses aguicheuses et vulgaires, ou encore par Jezibaba en mère maquerelle se déplaçant à l’aide d’un déambulateur. La poésie et le surnaturel du conte mis en musique par Dvorák font place à la réalité la plus crue et la plus sordide, dans ce qui apparaît comme un drame sur la perte des illusions. En fin de compte, rien de particulièrement provocateur ni de choquant, mais plutôt un spectacle triste et lugubre, même si le propos des metteurs en scène paraît cohérent et si la direction d’acteurs a été particulièrement soignée.


Musicalement et vocalement en revanche, la production atteint des sommets, ce qui est d’autant plus réjouissant que l’opéra de Dvorák n’avait encore jamais été présenté au Grand Théâtre. La seule déception vient du ténor Ladislav Elgr. Admirable dans le premier acte, il s’effondre dans le deuxième et surtout le troisième, avec des notes craquelées, des aigus particulièrement tendus et d’évidents problèmes de justesse. Déjà interprète du rôle-titre à Salzbourg et à Londres, Camilla Nylund, très engagée dans son personnage, incarne une Rusalka aussi incandescente qu’émouvante. Sa voix, qui a gagné en ampleur et en projection, confère à l’héroïne une touche de mélancolie et de douceur qui tranche avec l’univers dans lequel elle vit. Alexey Tikhomirov est un Ondin particulièrement possessif, à la voix caverneuse, alors que Birgit Remmert campe une Jezibaba aussi autoritaire que méchante et revêche. On saluera également la voluptueuse princesse étrangère de Nadia Krasteva, qui prête classe et éclat à son personnage. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, Dmitri Jurowski démontre une belle énergie et imprime une forte tension au spectacle, faisant vibrer la musique si intense et expressive de Dvorak, sans négliger pour autant les passages lyriques, où les couleurs le disputent à l’émotion. Malgré une mise en scène discutable, Rusalka est enfin entrée par la grande porte au Grand Théâtre de Genève.



Claudio Poloni

 

 

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