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Scriabine dans les textes

Paris
Amphithéâtre Bastille
06/05/2013 -  
Alexandre Scriabine : Sonates n° 2, opus 19, n° 4, opus 30, n° 6, opus 62, n° 8, opus 66, et n° 10, opus 70
Textes d’Anna Akhmatova, Alexandre Blok, Ossip. E. Mandelstam, Marina Tsvetaieva et Eugène Zamiatine

Varduhi Yeritsyan (piano), Olivier Py (récitant)


V. Yeritsyan


Le Ring de Wagner dans la grande salle, les Sonates de Scriabine dans l’Amphithéâtre : macrocosme et microcosme ? Pas vraiment : le second n’avait pas de moindres ambitions, pas moins philosophe que le premier, pas moins messianique, pas moins en quête de l’œuvre d’art total. Il allait même plus loin, dans sa Weltanschauung théosophique, que le compositeur de Tristan. Sans doute, d’ailleurs, Scriabine n’aurait-il pas été le même si Wagner ne l’avait précédé.


Des premières aux dernières Sonates, le chemin est long, qui va d’un postromantisme fin de siècle à un éclatement de la forme, de l’harmonie et de la sonorité, que les œuvres pour orchestre ne poussent pas à un même degré. Pour l’interprète, un vrai marathon, surtout en deux soirées. La jeune Varduhi Yeritsyan a relevé brillamment le défi, en particulier au cours de la seconde, consacrée aux sonates paires. La Deuxième, d’emblée, révèle un jeu très concentré, très maîtrisé, diversement coloré, fondé sur une impeccable technique. Une certaine réserve aussi, ou plutôt un refus de la surenchère dans l’exaltation, de peur de déstructurer la musique – même s’il s’affranchit de plus en plus des architectures traditionnelles, Scriabine n’est jamais informe. On peut, ainsi, préférer interprétations plus flamboyantes, plus visionnaires, plus abyssales. Mais les couleurs irisées de la Dixième Sonate inscrivent bien l’œuvre dans la mouvance impressionniste, les fulgurances digitales de la Huitième restituent les éclats furieux d’un opus ouvert sur les plus audacieuses nouveautés.


Pour accompagner les Sonates, des pages d’écrivains russes. Si « L’Acte préalable » s’imposait avec évidence, on attendait plutôt, pour le compléter et faire écho au texte musical, des poèmes symbolistes ; pas vraiment des extraits où la musique est mise ironiquement à distance, quand elle n’est pas tournée en dérision, comme dans « Ma mère et la musique » de Marina Tsvetaieva. Mais Olivier Py a préféré le contrepoint à l’imitation. Et l’on rend aussitôt les armes, tant il dit et mime tout cela avec un incomparable talent, jouant de sa voix comme sa partenaire du clavier, allant au cœur des mots comme elle va au cœur des notes, aussi drôle dans « Ma mère et la musique », qu’il illustre lui-même au piano, qu’illuminé dans « L’Acte préalable ».


L’Opéra de Paris, c’est aussi l’Amphithéâtre.



Didier van Moere

 

 

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