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La Gioconda enfin parisienne

Paris
Opéra Bastille
05/02/2013 -  et 7, 10, 13, 17, 20, 23, 26, 31 mai 2013
Amilcare Ponchielli : La Gioconda
Violeta Urmana (La Gioconda), Luciana d’Intino*/Elena Bocharova (Laura Adorno), Orlin Anastassov (Alvise Badoèro), Maria José Montiel (La Cieca), Marcelo Alvarez (Enzo Grimaldo), Sergey Murzaev/Claudio Sgura* (Barnaba), Damien Pass (Zuane), Julien Joguet (Un cantore), Kevin Amiel (Isèpo), Yves Cochois (Un pilota), Olivier Ayault (Un barnabotto), Nicolas Marie (Una voce), Jian-Hong Zhao (Un altra voce), Letizia Giuliani, Angel Corella (Solistes de la Danse des heures)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Daniel Oren (direction)
Pier Luigi Pizzi (mise en scène)


L. d’Intino, M. Alvarez (© Opéra national de Paris/Andrea Messana)


Comme on l’attendait, cette Gioconda ! Incroyable mais vrai : le chef-d’œuvre de Ponchielli, régulièrement accueilli sur les plus grandes scènes internationales, n’avait jamais encore été donné à l’Opéra, alors qu’on avait pu le voir à Marseille, à Montpellier, à Orange ou – trois productions – à Nice. Certes Ponchielli n’est pas Verdi, ni pour le traitement harmonique des thèmes, ni pour l’orchestration. Verdi dont l’ombre n’en plane pas moins sur cette Gioconda. Mais cette écriture, pour être parfois sans surprise, témoigne d’un remarquable métier, d’un art consommé des effets et, surtout, d’une connaissance intime de la voix. Rien d’étonnant si « Suicidio » ou « Cielo e mar » figurent en bonne place dans les récitals des sopranos ou des ténors. Sans parler de la célèbre Danse des heures – pas seulement à cause de la séquence de Fantasia de Walt Disney. Ainsi, cette histoire mélodramatique d’une femme sacrifiant jusqu’à sa vie pour le bonheur de celui qu’elle aime et qui ne l’aime pas, tirée par Arrigo Boito d’Angelo tyran de Padoue de Hugo, nous remue le cœur : nous nous plongeons volontiers dans cette Venise du XVIIe où il ne fait pas bon encourir la haine jalouse d’un espion de l’Inquisition, où les philtres tuent ou endorment. Un sujet de grand opéra historique à la française, qui se survit aussi dans cette Gioconda, avec processions et carnaval.


Un opéra pour grande voix, difficile à distribuer aujourd’hui. On sait combien Nicolas Joel les aime : les a-t-il trouvées ici ? Oui et non. Car le déclin prévisible de Violeta Urmana se précipite : le si beau mezzo d’hier a raté sa mue et le soprano d’aujourd’hui accuse un aigu d’une insupportable stridence, qu’elle arrache à une tessiture désormais éclatée brisant la ligne de chant. Calamiteuse Gioconda victime du Barnaba de Claudio Sgura, prévu pour les deux dernières et remplaçant Sergey Murzaev « qui s’est définitivement retiré de la production » : le baryton italien a beau éviter l’histrionisme en délateur sadique et ténébreux, il ne peut, tant l’émission est engorgée, rendre crédible la noirceur du personnage. Il faut ici d’authentiques belcantistes, pas des chanteurs prétendument « véristes ». Comme l’Enzo de Marcelo Alvarez, même si la voix, en se corsant, s’est amatie dans le médium et reste un rien en deçà de la vaillance du prince déguisé en pêcheur : la souplesse de l’émission, le galbe du phrasé, le style érigé en absolu, tout y est. Luciana d’Intino, en matière de beau chant, ne se situe pas tout à fait à la même hauteur, avec parfois une tendance à abuser du registre de poitrine ; mais on l’entend en Laura beaucoup plus raffinée que naguère, vrai mezzo au médium sans faille, à la tessiture homogène. Même homogénéité chez la Cieca de Maria José Montiel, d’une impeccable tenue vocale là où beaucoup distendent les registres. Et Orlin Anastassov, s’il chante un peu russe parfois, ne manque pas de grandeur en mari Inquisiteur.


On connaît et l’on sent l’amour de Daniel Oren pour ce répertoire, qu’il communique à un chœur bien en place et à un orchestre aux couleurs raffinées et aux élans généreux, visiblement conquis par cette direction souple et sûre. Le chef évite l’écueil du pompiérisme, se tenant presque parfois sur la réserve, émoussant du coup, ici ou là, la continuité dramatique. Il est vrai que la mise en scène de Pier Luigi Pizzi ne stimule guère, qui juxtapose des tableaux vivants plus qu’elle fait avancer l’action par une caractérisation approfondie des personnages. La direction d’acteurs se réduit à un minimum convenu : on voit avant tout un travail de plasticien, virtuose des couleurs – superbe polyphonie de rouges, de blancs et de gris. Le décor unique, au classicisme stylisé, évoque la Venise des canaux et des gondoles, où se croisent acteurs de la commedia dell’arte et membres du Saint Office. Rien d’autre que ce que l’on pouvait attendre de Pizzi, qui au moins évite le kitsch d’un Giancarlo del Monaco.



Didier van Moere

 

 

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