About us / Contact

The Classical Music Network

Milano

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Premier essai lyrique

Milano
Teatro alla Scala
04/17/2013 -  et 20*, 23 avril, 2, 5, 10, 14 mai 2013
Giuseppe Verdi : Oberto, conte di San Bonifacio
Fabio Sartori (Riccardo), Sonia Ganassi (Cuniza), Maria Agresta (Leonora), Michele Pertusi*/Adrian Sampetrean (Oberto), José Maria Lo Monaco (Imelda)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (chef de chœur), Orchestra del Teatro alla Scala, Riccardo Frizza (direction musicale)
Mario Martone (mise en scène), Sergio Tramonti (décors), Ursula Patzak (costumes), Marco Filibeck (lumières, d’après le projet de Pasquale Mari)


(© Brescia-Amisano/Teatro alla Scala)


Oberto, conte di San Bonifacio, créé le 17 novembre 1839 à la Scala, est le tout premier opéra de Giuseppe Verdi. En cette année du bicentenaire de la naissance du compositeur, l’illustre théâtre a tenu à présenter au public cette œuvre rarement jouée, juste après Falstaff en janvier, dernier chef-d’œuvre du maître, et Nabucco en février, son premier véritable triomphe, écrit trois ans seulement après Oberto. La genèse d’Oberto reste obscure. En 1839, Verdi, qui n’a que 26 ans, quitte Busseto, son village natal, pour s’installer à Milan, où il espère faire représenter Rochester, un opéra qu’il a composé sur un livret d’un certain Antonio Piazza. Verdi a déjà tenté, en vain, de faire monter l’ouvrage à Parme. Par un heureux concours de circonstances, la Scala accepte de mettre l’œuvre à l’affiche de sa saison. Pour mettre toutes ses chances de son côté, Verdi demande à Temistocle Solera (le futur librettiste de Nabucco) d’adapter le livret et retravaille lui-même sa partition, laquelle devient Oberto. Le nom de Piazza disparaît complètement, seul Solera est indiqué comme auteur du livret. Etant donné que rien ne nous est parvenu de Rochester, il est impossible de savoir dans quelle mesure la partition originelle a été remaniée. On suppose donc aujourd’hui que les deux œuvres n’en font qu’une ou, du moins, que de larges portions de Rochester se retrouvent dans Oberto.


Quoi qu’il en soit, Oberto remporte un joli succès : à sa création, le titre connaît quatorze représentations à Milan, un nombre plus élevé que prévu initialement, et est rapidement repris à Turin, de nouveau à Milan, puis à Gênes et à Naples. Plus important encore : Ricordi, le plus grand éditeur milanais, décide sur-le-champ d’en acquérir les droits. Compte tenu de ce succès, la Scala propose à Verdi un contrat pour de nouveaux opéras. On connaît la suite… Pour en revenir à Oberto, l’ouvrage est repris à Busseto et à Buenos Aires en 1939, pour son centenaire, avant que la Scala ne le remonte en 1951, dans une réalisation préservée par le disque, à l’instar de celle de Bologne et de Parme (1977/1978). Le théâtre milanais affichera encore une nouvelle production en 2002, avec les élèves de son académie de chant.


Si, à la création d’Oberto, le public s’est montré enthousiasmé, la critique a, elle, été plus mitigée. Certains ont pointé du doigt le manque d’originalité de la partition, très largement inspirée du belcanto, le caractère rudimentaire de nombreux passages et le manque de consistance des personnages, d’autres, au contraite, n’ont pas manqué de déceler l’énergie qui se dégage de la partition, la vivacité rythmique de l’œuvre, le sens de la mélodie du compositeur et le large recours au récitatif comme moyen d’expression. Le moment clé d’Oberto est sans conteste le quatuor du deuxième acte, qui trahit un sens évident de la tension dramatique. Par ailleurs, le couple père-fille au centre de l’ouvrage reviendra par la suite dans d’autres opéras de Verdi.


L’histoire narrée par Oberto se déroule en 1228 : un père âgé (Oberto) provoque en duel un séducteur (Riccardo) qui a déshonoré sa fille (Leonora) et qui s’apprêter à épouser une autre femme (Cuniza). Le père meurt, le séducteur s’enfuit et les deux femmes deviennent amies… Le metteur en scène italien Mario Martone a choisi de transposer ce sombre épisode médiéval d’honneur et de vengeance dans le milieu de la mafia d’aujourd’hui, la pieuvre étant, comme il le dit lui-même dans le programme de salle, le Moyen-Age de l’Italie moderne. Le palais de Riccardo, devenu ici chef de clan, est une demeure cossue de nouveau riche sur deux étages et aux tons rouges, voisinant un sinistre terrain vague entouré de grues qui n’est pas sans rappeler les descriptions de Gomorra. Le cadavre d’Oberto après le duel est transporté dans le coffre d’une voiture. La transposition apparaît solide et crédible, quand bien même elle a dérouté une partie du public.


La distribution, entièrement italienne, est d’un excellent niveau. A tout seigneur tout honneur, il convient de citer en premier lieu l’Oberto fier et noble de Michele Pertusi, qui livre une véritable leçon de beau chant, avec un style impeccable, un legato exemplaire et une large palette de nuances. La soprano Maria Agresta ne lui cède en rien en Leonora. Incarnant une femme toujours éperdument amoureuse, malgré la trahison de son ancien amant, la chanteuse éblouit par ses vocalises sans faille, sa grande musicalité et ses aigus lumineux. Voilà une interprète qui devrait faire parler d’elle ces prochaines années. Sonia Ganassi campe une Cuniza de grande classe, au chant racé et au beau phrasé, même si la projection est quelque peu limitée. Annoncé indisposé, Fabio Sartori est un Riccardo vaillant, aux aigus rayonnants, mais le chant souffre d’un manque de nuances et le personnage d’une absence de caractérisation. Riccardo Frizza fait des débuts remarqués dans la fosse de la Scala : le jeune chef est particulièrement attentif aux chanteurs, ce qui ne l’empêche pas de rendre à la fois la tension dramatique et le lyrisme de l’ouvrage. Même si Oberto apparaît comme une partition quelque peu rudimentaire et laissant un arrière-goût d’inachevé (mais pouvait-il en être autrement pour un premier essai lyrique ?), la Scala a eu mille fois raison de proposer cet ouvrage débordant de vitalité et d’énergie, dans une aussi belle distribution.



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com