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Indescriptible émotion

Paris
Salle Pleyel
04/14/2013 -  et 12 avril 2013 (Ferrara)
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 1, opus 15
Felix Mendelssohn : Symphonie n° 3, opus 56 «Schottische»

Martha Argerich (piano)
Mahler Chamber Orchestra, Claudio Abbado (direction)


C. Abbado (© Marco Caselli Nirmal)


Presque quarante-quatre ans. Cela faisait presque quarante-quatre ans que la pianiste Martha Argerich (née en 1941) et le chef d’orchestre Claudio Abbado (né en 1933) n’étaient pas apparus ensemble sur une scène parisienne. Comme le mentionne sobrement (mais non moins solennellement) le beau programme de salle, les deux artistes se produisaient – pour la première fois ensemble à Paris – le 12 novembre 1969 au Théâtre des Champs-Elysées dans un programme Prokofiev qu’un article de Jacques Longchampt (publié dans Le Monde et reproduit dans le programme) saluait comme «la rencontre de deux cyclones». Unique apparition conjointe dans la capitale, donc... jusqu’à ce 14 avril 2013 salle Pleyel.


Effervescence fébrile rue du Faubourg Saint-Honoré, présence en nombre d’acheteurs de dernière minute et de personnages publics, salle attentive et survoltée... Les ingrédients étaient réunis pour d’impressionnantes standing ovations comme pour des rappels nourris, permettant à l’artiste argentine de consentir un grisant «Traumes Wirren» (extrait des Fantasiestücke, opus 12 de Schumann) et la forçant à revenir saluer devant une salle en délire alors même que les instrumentistes avaient quitté la scène (... le public ne lâchant pas l’affaire aussi facilement).


Il faut dire que ce Premier Concerto de Beethoven est à inscrire dans les annales de Pleyel. Le choix d’une formation réduite (mais ô combien investie) comme le Mahler Chamber Orchestra amplifie l’effet Sturm und Drang souhaité par le chef. Un orchestre – fondé par Claudio Abbado il y a plus de quinze ans – qui tonne, vrombit, émeut. Chaque pupitre trouve spontanément le ton juste, depuis ces altos – sans vibrato – qui transpercent comme des couteaux acérés (dans l’Allegro con brio) jusqu’à la clarinette – claire et franche – du radieux Andreas Ottensamer, qui dialogue divinement avec la pianiste dans l’intimité du Largo. La direction d’Abbado échancre des contrastes inouïs – qu’on n’a pas le souvenir d’avoir jamais entendus dans cette œuvre (on a – pour s’en convaincre – réécouté Argerich dans son enregistrement de 1985, avec l’accompagnement subitement très banal de Sinopoli et du Philharmonia). L’émotion procède de ces contrastes sidérants entre les nuances, qui transforment la caresse des pianissimos en miracles de tendresse.


Martha Argerich, elle, donne une leçon de style et d’inventivité, ressuscitant l’espièglerie de Mozart dans le premier mouvement et la sensibilité de Chopin dans le deuxième – moment de grâce ménageant pourtant des instants de sourire et d’humour frivole... comme pour mieux sécher les larmes. Une émotion qui prend à la gorge et se desserre dans l’Allegro scherzando – traité en apothéose de la danse, beethovénien jusqu’à l’os, préfigurant la Septième Symphonie. Affranchie – depuis longtemps et malgré les années – des contraintes techniques, la pianiste argentine démontre davantage qu’une absolue maîtrise. La liberté. Capable d’improviser jusque sur ses propres erreurs – pour mieux retomber sur ses doigts, pendant qu’Abbado tapote dans sa paume les mêmes accords que sa soliste. Le renard et la lionne frappent, dans ce Concerto en ut majeur, un coup de poing monumental et poignant. En 2004, un disque (DG) présentait la même équipe dans les Deuxième et Troisième de Beethoven. La présence de micros dans la salle autorise tous les espoirs...


En seconde partie, la Symphonie «Ecossaise» de Mendelssohn est, elle aussi, traitée en apothéose de la danse. Les cordes – emmenées par le bouillonnant premier violon Sebastian Breuninger – savent habiter les fortissimos comme créer le plus exact des pianissimos. Concentrés dès l’Andante con moto, les musiciens répondent sans faillir aux indications du chef, alternant une solennité qui donne des frissons et une intensité jamais fébrile. L’Adagio est aussi tendu que le dernier mouvement transpire de joie. Tout respire l’évidence dans la baguette de Claudio Abbado. L’évidence du sublime. Un moment inoubliable.


Le site de l’Orchestre de chambre Mahler



Gilles d’Heyres

 

 

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