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Le feu sous la glace

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/05/2013 -  et 4 (Brugge), 9, 10 (London), 12 (Pavia), 14 (München), 20 (Lisboa), 21 (Oviedo), 23 (Madrid), 24 (Bilbao) avril 2013
Ludwig van Beethoven : Sonates n° 22, opus 54, et n° 28, opus 101
Franz Liszt : Harmonies poétiques et religieuses: «Pensée des morts»
Frédéric Chopin : Nocturne n° 13, opus 48 n° 1 – Ballade n° 4, opus 52

Leif Ove Andsnes (piano)


L. O. Andsnes (© Ozgür Albayrak)


On ressort du Théâtre des Champs Elysées comme purifié par la simplicité, le naturel et la justesse du piano de Leif Ove Andsnes (né en 1970). Un concert bref mais limpide, où clarté et assurance sont de bout en bout les maîtres mots. Un toucher net et carré (nordique oserait-on dire), d’une maîtrise technique d’autant plus impressionnante qu’elle ne s’accommode d’aucun effet de manche, d’aucune emphase démonstrative. Un style qui n’est pas pour autant facile à assumer dans Chopin, l’exigence de l’interprétation requérant une concentration de tous les instants (...que ne favorisent pas quelques tousseurs mal intentionnés). Malgré leur polyphonie délicate et leurs superbes contrechants, le bouillonnement intérieur du Nocturne opus 48 n° 1 (1841) et de la Quatrième Ballade (1842) semble couvé avec trop d’intériorité pour émouvoir véritablement et produire l’effet que le pianiste décrit lui-même dans les notes du concert («probablement ses œuvres les plus sombres (...) riches de souffrance, dramatiques et puissantes»). Le toucher chopinien de Leif Ove Andsnes produit en revanche son meilleur effet dans les Valses données en bis, qui conquièrent par l’évidence des tempos et l’intelligence du rubato.


Avant Chopin, Liszt et Beethoven. Les deux mouvements de la Sonate en fa majeur (1804) produisent le même effet qu’à Salzbourg l’été dernier: un In tempo di menuetto porté par une force tranquille, un Allegretto aux contrastes justement dosés. Alors qu’il ouvrait le récital, cet Opus 54 trouve l’interprète norvégien au plus haut de sa concentration, offrant un Beethoven à la fois décanté et compact – plus attachant qu’une Sonate en la majeur (1816) dans laquelle les intentions d’Andsnes («très ambitieuse et pleine d’énergie (...) d’une incroyable beauté: Beethoven l’a lui-même décrite comme une série d’impressions et de rêveries») glissent quelque peu sur les parois givrées qui enferment cet Opus 101 dans une perfection un peu froide. Point de déficit émotionnel, en revanche, avec le Liszt qui ouvre la seconde partie du récital et en constitue le sommet. Le pianiste attaque sans attendre une Pensée des morts (1852) où le «De Profundis» aura rarement résonné de manière aussi implacable. On ne sait trop quoi louer en premier dans cette page parmi les plus magnétiques de Liszt, abordée dans un tempo particulièrement alerte. Clarté de l’architecture, vertige des contrastes, soudaineté de l’émotion, éventail infini du dégradé des nuances et de la palette des rythmes. Leif Ove Andsnes, lisztien d’exception.


Le site de Leif Ove Andsnes



Gilles d’Heyres

 

 

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