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Le retour d’Alfredo Arias Angers Grand Théâtre 04/03/2013 - et 5, 7 avril 2013 Wolgang Amadeus Mozart : Die Entführung aus dem Serail, K. 384
Elena Gorshunova (Konstanze), Frédéric Antoun (Belmonte), Beate Ritter (Blonde), François Piolino (Pedrillo), Jan Stava (Osmin), Markus Merz (Selim)
Chœur d’Angers Nantes Opéra, Sandrine Abello (direction du chœur), Orchestre national des Pays de la Loire, Sascha Goetzel (direction)
Alfredo Arias (mise en scène), Roberto Platé (décors), Adeline André (costumes), Jacques Rouveyrollis (lumière)
F. Antoun, E. Gorshunova (© Jef Rabillon)
Evénement attendu que le retour d’Alfredo Arias sur une scène lyrique après huit années d’absence: dans cette coproduction avec Montpellier (où le spectacle a été créé en février dernier) et l’Opéra royal de Wallonie (où il sera monté la saison prochaine), l’homme de théâtre argentin signe une vision insolite du singspiel de Mozart, un peu construite comme une préfiguration de sa Flûte enchantée. Arias expurge ainsi l’ouvrage de toute «turquerie» pour mieux se pencher sur sa dimension initiatique, soulignant plus que d’ordinaire, par exemple, l’opposition des deux couples. Sensible et vivant, le spectacle doit aussi beaucoup au monumental, très esthétique et étonnant décor de Robert Platé, qui dévoile une grande chambre renversée, avec un plafond présentant un ciel nuageux (mais face au public, donc), trois fenêtres au sol qui servent (finalement) de bassins, quand trois autres, côté cintres, s’ouvrent vers le ciel (le vrai).
Le plateau vocal s’avère épatant de juvénilité et de naturel. Si les grandes Konstanze se font rares, force est de reconnaître que la soprano russe Elena Gorshunova se montre à la hauteur du rôle, même si le timbre légèrement acide peut parfois nuire à son chant, notamment dans le très émouvant «Traurigkeit». Petite réserve, cela dit, en regard de sa parfaite musicalité, de la propreté de sa vocalisation et de l’admirable sûreté dont elle fait preuve dans son grand air «Marten aller Arten». Elle n’a guère de leçon à donner à Frédéric Antoun, ardent Lindoro tout dernièrement à Marseille, qui chante Mozart avec un goût parfait. Ce jeune ténor québécois, habitué de Tamino, Ottavio et Ferrando, se montre tout aussi à l’aise dans Belmonte. Outre la beauté intrinsèque du timbre, plus corsé qu’à l’ordinaire dans cet emploi, on se doit de souligner une technique hors pair, qui lui permet de vocaliser sans faillir son «Ich baue ganz»; son chant frise tout simplement l’idéal.
Blonde est incarnée par la pétillante soprano autrichienne Beate Ritter, dont la voix semble sans limites dans les notes suraiguës; elle se joue ainsi de manière confondante des contre-mi de son air «Durch Zärtlichkeit. Son compère, l’exquis François Piolino, joue les seconds ténors avec une verve et un métier étonnants, utilisant sa jolie voix claire et ductile pour parer son air «Frisch zum Kampfe» des nuances les plus délicates. Notons la parfaite fusion de ces voix dans le quatuor terminant le II, un des sommets de l’opéra, comme aussi du présent spectacle. Enfin, Selim et Osmin sont campés respectivement par l’excellent acteur suisse Markus Merz et par la basse tchèque Jan Stava, qui dispose d’une voix solide et bien timbrée, atteignant sans difficulté les profondeurs caverneuses du rôle. Dans les brèves apparitions des janissaires, les chœurs préparés par Sandrine Abello ont fait preuve de cohésion et d’agilité.
Indissociable de cette fête, un Orchestre national des Pays de la Loire éblouissant de vivacité et d’enthousiasme ce soir, sous la baguette alerte et même débridée de Sascha Goetzel. Le jeune chef autrichien nous offre d’abord une Ouverture survoltée, martelée par des cymbales très présentes, puis insuffle, la soirée durant, une éclatante jeunesse à la partition de Mozart.
Emmanuel Andrieu
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