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Soirée mouvementée à la Scala Milano Teatro alla Scala 03/28/2013 - et 2, 4, 7, 9, 13, 16, 18, 21 avril 2013 Giuseppe Verdi : Macbeth Franco Vassallo*/Vitaliy Bilyy (Macbeth), Stefan Kocan*/ Adrian Sampetrean (Banco), Lucrecia Garcia*/ Tatiana Melnychenko (Lady Macbeth), Emilia Bertoncello (Dama), Stefano Secco*/Woo Kyung Kim (Macduff), Antonio Corianò (Malcolm), Gianluca Buratto (Medico), Ernesto Panariello (Domestico), Luciano Andreoli (Sicario), Lorenzo Tedone (Prima apparizione), Beatrice Fasano*/ Andrea Camilla Mambretti/Matilde Di Fonzo/ Patricia Fodor (Seconda apparizione), Lucilla Amerini*/ Matilde Di Fonzo/ Margherita Pezzella/ Benjamin Natali (Terza apparizione)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (chef de chœur), Orchestra del Teatro alla Scala, Valery Gergiev*/Pier Giorgio Morandi (direction musicale)
Giorgio Barberio Corsetti (mise en scène), Giorgio Barberio Corsetti, Cristian Taraborrelli (décors), Cristian Taraborrelli, Angela Buscemi (costumes), Fabrice Kebour (lumières), Raphaëlle Boitel (chorégraphie), Fabio Massimo Iaquone, Luca Attili (vidéo)
L. Garcia, F. Vassallo (© Brescia-Amisano/Teatro alla Scala)
Insultes pour le chef d’orchestre, sifflets pour l’équipe de production, silence assourdissant pour les chanteurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la nouvelle production de Macbeth à l’affiche à Milan n’a guère trouvé grâce aux yeux et aux oreilles des spectateurs de la première. Chronique d’une soirée mouvementée à la Scala.
La direction musicale de ce Macbeth constituait, sur le papier du moins, le point fort du spectacle. Las, Valery Gergiev a livré une interprétation brouillonne, sommaire et sans finesse de la partition de Verdi. Ses « tempi » rapides n’ont pas été sans créer des décalages entre la fosse et le plateau, le volume sonore a parfois noyé les chanteurs, mais surtout le chef n’a jamais réussi à insuffler à la musique la noirceur qui caractérise Macbeth, malgré quelques pages vives et étincelantes dans lesquelles il excelle. Accueilli sans ménagement à son arrivée dans la fosse après l’entracte, le maestro a aussi récolté les huées d’une bonne partie du public au rideau final. Les applaudissements nourris des nombreux Russes présents dans la salle n’ont pas suffi à étouffer les signes de mécontentement.
L’homme de théâtre italien Giorgio Barberio Corsetti n’a, lui non plus, pas réussi à convaincre avec sa mise en scène contenant certes quelques bonnes idées, mais sans réel fil conducteur et globalement inaboutie. Au début du spectacle, un garçonnet donne des coups violents à un ours en peluche géant. Est-ce à dire que l’on naît dictateur ? Des projections vidéo font apparaître les visages du Duce et de Mussolini, puis expriment les états d’âme des personnages, avec des couleurs vives. Les costumes du banquet évoquent les années 1920-1930. Le roi Duncan et sa cour arrivent dans la salle éclairée, une caméra retransmettant la procession sur un grand écran situé sur le plateau, un procédé déjà utilisé dans le Voyage à Reims signé Luca Ronconi. Les sorcières sont ici des acrobates et des trapézistes qui impressionnent par leur gestuelle précise et rythmée. Plus anecdotique, Lady Macbeth ne lit pas une lettre mais un sms de son époux. Des ébauches d’idées, intéressantes parfois, mais dont on peine à saisir la cohérence.
Vocalement, les choses laissent aussi quelque peu à désirer. On s’arrêtera d’abord sur le cas symptomatique de la Lady Macbeth de la Vénézuélienne Lucrecia Garcia. Voilà une jeune chanteuse non dénuée de mérite ni de talent, mais qui n’aurait jamais dû être invitée si tôt dans sa carrière à interpréter un rôle parmi les plus meurtriers de tout le répertoire, qui plus est sur une scène de premier plan. La chanteuse a peut-être toutes les notes de la partition, hormis quelques problèmes d’intonation dans l’extrême aigu, mais à aucun moment elle n’est Lady Macbeth, ne réussissant jamais à donner à son personnage et à son chant la noirceur et la méchanceté nécessaires, sans parler des accents incisifs et impérieux de la Reine qu’elle est. Les silences qui ont accueilli chacun de ses airs sont peut-être plus cruels que des sifflets. Quoi qu’il en soit, au terme de la soirée, les chanteurs sont venus saluer tous ensemble, une décision sage qui a très sûrement évité à Lucrecia Garcia de subir les foudres d’un public passablement remonté. Fort heureusement, le reste de la distribution est de bien meilleure tenue : Franco Vassallo campe un Macbeth au legato admirable, Stefano Secco en Macduff éblouit avec un magnifique « Della paterna mano », même s’il a tendance à toujours chanter « fortissimo », et Stefan Kocan incarne un Banquo aux sonorités sépulcrales. Et surtout, le chœur a livré une performance mémorable, culminant avec un « Patria oppressa » d’anthologie. Malgré quelques bons moments, ce Macbeth ne laissera donc pas de souvenirs impérissables. On attend désormais avec impatience la prochaine œuvre à l’affiche de la Scala : Oberto, rien moins que le tout premier opéra composé par Verdi et créé à Milan en 1839, une véritable rareté sur les scènes lyriques.
Claudio Poloni
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