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Révélation californienne

Montpellier
Corum (Opéra Berlioz)
03/23/2013 -  et 25 mars 2013 (Paris)
Edouard Lalo : Le Roi d’Ys
Nicolas Cavallier (Le Roi d’Ys), Sophie Koch (Margared), Julianna Di Giacomo (Rozenn), Sébastien Guèze (Mylio), Franck Ferrari (Karnac), Nika Guliashvili (Saint Corentin), Frédéric Goncalves (Jahel)
Chœurs de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, Noëlle Gény (chef de chœur), Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, Patrick Davin (direction)


S. Koch (© D.R.)


Après avoir offert Norma de Bellini à l’Opéra de Nice (puis salle Pleyel) la saison dernière, l’Association ColineOpéra, parrainée par Sophie Koch, proposait, cette fois au Corum de Montpellier, et avant la salle Favart, Le Roi d’Ys (1888), chef-d’œuvre d’Edouard Lalo. De par sa rareté – et quand bien même en version de concert –, le choix de ce titre faisait figure d’événement, et le public a largement répondu à l’appel, en remplissant la vaste salle montpelliéraine. Le Roi d’Ys fait partie de ces œuvres ambitieuses qui exigent un rare ensemble de qualités; l’ombre de Wagner est encore présente, mais s’y ajoute une interrogation souvent originale de ce que peut être, en cette fin de XIXe siècle, une expression proprement française. Sur ce point, Lalo affirme une personnalité attachante, ne serait-ce que par son refus de recettes toutes faites. Ses ambitions sont plus hautes, en particulier dans cet opéra, où les grandes envolées dramatiques voisinent avec des moments d’une exquise sensibilité. Encore faut-il qu’orchestre et chanteurs tiennent un même discours, et forcément à un niveau élevé.


Disons-le d’emblée, le plateau réuni dans la cité languedocienne a enthousiasmé, à un ou deux bémols près. La palme de la soirée revient sans conteste à la soprano Julianna Di Giacomo qui, dans le rôle de Rozenn, a ébloui. La soprano californienne s’impose comme une interprète idéale du rôle, avec une sensibilité dans le phrasé, une homogénéité de registre et une séduction dans le timbre qui emportent totalement l’adhésion. Comment ne pas admirer également sa science des piani et des pianissimi, le rayonnement de ses aigus lumineux, de même que sa parfaite diction, elle qui ne parle pas un mot de français, et qui se produisait d’ailleurs pour la première fois en France. Magnifique actrice enfin, elle rend toute la fraîcheur et toute la transparence de ce personnage complexe. Dans un rôle où elle a déjà brillé au Capitole de Toulouse il y a six ans, Sophie Koch renouvelle l’exploit d’incarner une magistrale Margared, se jouant de cette tessiture particulièrement meurtrière. La mezzo française possède le rayonnement naturel qu’exige cette Ortrud bretonne, à qui elle prête son impétueux Falcon, son émission volcanique et ses aigus fulgurants, surtout dans le sublime air du II «De tous côtés».


Magnifique Rodolfo à Vichy et remarquable Pelléas à Nice en début de saison, Sébastien Guèze ne nous a pas, dans le rôle de Mylio, autant convaincu que lors de ses dernières prestations. Outre le problème de certaines nasalités (séquelles d’un récent refroidissement?), le fait qu’il chante sa partie constammentforte nous a décontenancé. Il est vrai que le jeune chanteur n’est plus le ténor léger qu’il a été, la voix s’étant considérablement élargie depuis quelque temps. Certes encore, le rôle alterne extatisme et passages plus lyriques, voire héroïques («Le salut nous est promis»), mais on déplore l’absence de demi-teintes, de l’usage de la voix mixte et du cristal requis dans la fameuse aubade «Vainement, ma bien aimée»; les passages de vaillance, en revanche, bénéficient d’un médium élargi et de moyens plus corsés, lui permettant de dépasser un tissu orchestral chargé, quasi wagnérien, qui le pousse néanmoins à l‘extrême limite de ses moyens actuels. Cela posé, il faut saluer sa belle musicalité, son remarquable phrasé et sa diction châtiée.


Nicolas Cavallier apporte au rôle-titre toutes les ressources d’un solide métier et gratifie une fois de plus l’auditoire de son timbre riche, de sa ligne de chant soignée et de la noblesse de ses accents, tout en conférant une belle humanité à son personnage. Quant au baryton niçois Franck Ferrari (Karnak), il continue de décevoir et de nous infliger sa diction pâteuse, grommelée ou mâchonnée, son émission engorgée ou placée en arrière, sa voix avare de couleurs et toujours aussi déficitaire en termes de puissance et de projection. Une mention, en revanche, pour la prometteuse basse géorgienne Nika Guliashvili qui fait forte impression, avec ses graves profonds et sonores, dans le rôle de Saint Corentin.


La tentation est toujours grande de faire sombrer Le Roi d’Ys sous un déferlement de décibels, mais le capitaine Patrick Davin parvient à éviter l’emphase et mène à bon port un Orchestre national Montpellier Languedoc Roussillon dans une forme olympique ce soir. Le chef français sait ainsi lui conférer son rôle de premier plan, tout en laissant s’exhaler certains soli instrumentaux, tels ceux dévolus à l’excellent violoncelliste Alexandre Dmitriev ou encore à l’émérite clarinettiste Paul Apélian. Particulièrement sollicité, le chœur maison s’en tire également avec tous les honneurs, récompensé, comme l’ensemble de l’équipe artistique, par une chaleureuse ovation finale.



Emmanuel Andrieu

 

 

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