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Un Messie idiomatique Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/27/2000 - Haendel : Le Messie Carolyn Sampson (soprano), Robin Blaze (alto, Thomas Randle (ténor), Michael George (basse) The Sixteen, The Symphony of Harmony and Invention, Harry Christophers (direction)
Plateau anglais, effectifs restreints et très belle réussite pour ce Messie de Haendel : plateau anglais puisque composé de l'ensemble vocal Sixteen (qui comptait dix-huit membres en l'occurrence), de l'orchestre The Symphony of Harmony and Invention (une vingtaine de musiciens), de quatre solistes formés en Angleterre, tous placés sous la direction de Harry Christophers. Ces gens-là sont vraiment dans leur musique maternelle et ce que l'on admire le plus, d'emblée, c'est le travail d'ensemble, la cohérence d'approche. Pas de montage hâtif ici d'éléments disparates, mais une pratique constante de cette musique, sans doute dès le plus âge pour nombre des musiciens présents.
La direction de Harry Christophers est très vivante, nerveuse dans le bon sens du terme, précise. Il suffit de voir sa main gauche fuser soudain pour indiquer aux choristes une entrée de fugue puis quelques centièmes de seconde plus tard dessiner dans l'espace une véritable courbe de phrasé pour les violons ! Il favorise les contrastes, avec des changements d'affects et de climats marqués, toujours introduits avec une parfaite précision. Il excelle dans le rendu de ces climats et singulièrement ceux qui évoquent la crainte, la frayeur, le tremblement, la vengeance divine. Il met parfaitement en valeur les nombreuses oppositions voulues par Haendel : on retiendra par exemple la belle différenciation dans le chœur de la troisième partie « Since by man came death » entre les premières paroles évoquant le rôle d'Adam et traitées dans un style ancien, modal, a cappella et l'homorythmie pleine de gaieté accompagnant ensuite l'allusion à la vie régénérée par le Christ.
Il faut dire que le chœur est magnifique, sans doute la vedette de la soirée. Un tel chœur justifie pleinement l'option "effectifs restreints" dans l'interprétation de cette œuvre : excellente lisibilité des voix et des lignes, attaques impeccables, capacité à épouser toutes les intentions du chef, à exprimer la terreur devant la mort comme l'extase angélique, à imposer une homorythmie puissante et impressionnante comme à ciseler un fugato plein d'allégresse.
Le quatuor de solistes, sans déparer du tout l'ensemble, n'a peut-être pas atteint le même niveau d'excellence : la soprano Carolyn Sampson a une belle voix et se joue de l'acoustique réputée difficile du lieu mais son engagement expressif est un peu limité. C'est exactement l'inverse pour le ténor Thomas Randle, qui manifeste beaucoup d'intentions expressives par toute son attitude mais qui a parfois du mal à les traduire en raison d' une voix un peu inégale. L'alto masculin Robin Blaze alterne le meilleur et le moins bon : il a su émouvoir fortement à certains moments très expressifs, comme par exemple dans le duo « He shall feed », mais a semblé moins à l'aise, du fait d'un timbre un peu ingrat et sans puissance, dans les parties plus théâtrales. La basse Michael George s'est affirmé au cours de la représentation mais n'a pas totalement convaincu dans les difficiles vocalises du rôle. L'orchestre a apporté à tous un soutien parfait avec notamment une belle prestation des trompettes et une timbale étonnante de précision rythmique et de dynamisme dans le célèbre Halleluja. Les effectifs modérés mais de très haute qualité ont donc parfaitement rempli leur rôle dans cette interprétation alerte, souple, tendue comme un arc de bout en bout de l'exécution.
Florence Trocmé
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