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Une redécouverte mémorable Nantes Théâtre Graslin 02/05/2013 - et 29, 30 janvier (Angers), 6, 8, 10* février 2013 (Nantes) Udo Zimmermann : Weisse Rose
Elizabeth Bailey (Sophie), Armando Noguera (Hans)
Nouvel Ensemble Contemporain, Nicolas Farine (direction)
Stefan Grögler (mise en scène et scénographie), Véronique Seymat (costumes), Didier Henry (lumières)
A. Noguera, E. Bailey (© Jeff Rabillon)
Après la complète réussite qu’ont été Les Deux veuves de Smetana ou encore Le Chapeau de paille d’Italie de Rota en début de saison, Angers Nantes Opéra poursuit sa politique de raretés, en redonnant sa chance à Rose blanche d’Udo Zimmermann (né en 1943). Disons le d’emblée, c’est un grand moment d’émotion que nous avons vécu pendant la grosse heure que dure l’ouvrage, émotion prolongée par la présence du compositeur (et d’un débat) en cette matinée de dernière.
Rose blanche a été écrit initialement en 1967 pour grand orchestre, sur un livret d’Ingo Zimmermann, frère du compositeur, puis repris en 1986 pour l’Opéra de Hambourg, sur des textes parlés et chantés de Wolfgang Willaschek cette fois, dans le sens d’un resserrement et pour une petite formation de quinze instrumentistes. Cet opéra de chambre en seize tableaux célèbre Hans et Sophie Scholl, deux jeunes Munichois, frère et sœur, qui, au péril de leur vie, ont animé un réseau de résistance au régime nazi, signant leurs tracts «Rose blanche». Nous sommes en février 1942, juste après leur arrestation par la Gestapo et leur procès bâclé, et nous assistons à la dernière nuit des condamnés dans leur cachot.
Confiée au Suisse Stefan Grögler, la proposition scénique se révèle admirable, tant elle plonge le spectateur dans un sentiment d’oppression et d’angoisse, sentiment que partagent sous nos yeux les deux protagonistes, voués à une imminente mise à mort par décapitation. Le décor unique, conçu par le metteur en scène lui-même, est réduit à un simple sol de terre battue qu’un haut mur en béton vient barrer. L’eau qui en suinte ponctue les allers et retours des deux personnages dans cet univers clos d’où transpire la mort, tandis que des faisceaux de lumières blafardes, plus ou moins aveuglantes, ne lâchent jamais les victimes. Les textes mêlent différents thèmes qui vont de la peur à l’évocation heureuse de l’enfance et de la jeunesse, en passant par des considérations politiques, morales, voire religieuses. Et l’on assimile les deux héros à de grands personnages tragiques, tels que les a immortalisés le romantisme allemand. Les deux artistes réunis ce soir, la soprano britannique Elizabeth Bailey et le baryton argentin Armando Noguera, s’y révèlent magnifiques de conviction scénique et d’engagement vocal, formant par ailleurs un duo parfaitement accordé.
Udo Zimmermann a écrit une musique de déploration très diversifiée. Sur une base dodécaphonique s’élèvent plusieurs mélodies soutenues par un excellent Nouvel Ensemble Contemporain (formation basée à Neuchâtel en Suisse), qu’il s’agisse des violons ou de la harpe, très sollicitée dans la partition de Zimmermann. Une sorte de staccato à prédominance de bois et de cuivres revient périodiquement signifier la guerre, l’oppression, la geôle totalitaire et sans espoir. Le chef Nicolas Farine, également directeur de la Jeune Opéra Compagnie de La Chaux-de-Fonds, en Suisse, au sein de laquelle l’ouvrage a d’abord été monté en 2011, se montre très attentif à cette partition qui ne manque jamais ni d’intérêt, ni d’inspiration.
Une redécouverte mémorable, à mettre au crédit de l’audacieux Jean-Paul Davois, toujours animé par un courage et par une originalité dont manquent parfois certains de ses confrères...
Emmanuel Andrieu
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