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Des voix pour Moussorgski Paris Opéra Bastille 01/22/2013 - et 25*, 28, 31 janvier, 3, 6, 9 février 2013 Modeste Moussorgski : La Khovantchina Gleb Nikolsky (Prince Ivan Khovanski), Vladimir Galouzine (Prince Andrei Khovanski), Vsevolod Grivnov (Prince Vassili Golitsine), Sergey Murzaev (Chakloviti), Orlin Anastassov (Dosifei), Larissa Diadkova (Marfa), Marina Lapina (Suzanna), Vadim Zaplechny (Le Clerc), Nataliya Tymchenko (Emma), Yuri Kissin (Varsonofiev), Vasily Efimov (Kouzka), Vladimir Kapshuk (Strechniev), Igor Gnidii (Premier Strelets), Maxim Mikhailov (Deuxième Strelets), Se-Jin Hwang (Un confident de Golitsine)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Michail Jurowski (direction)
Andrei Serban (mise en scène)
O. Anastassov, V. Galouzine, L. Diadkova (© Opéra national de Paris/Ian Patrick)
2013 commence mieux que 2012 n’a fini : cette reprise de La Khovantchina, une production inaugurée en 2001 sous la baguette de James Conlon, fait oublier la pitoyable Carmen. Non qu’elle procure un grand frisson. Il faudrait, pour cela, une mise en scène moins sage, moins convenue que celle d’Andrei Serban, dont l’efficacité manque de souffle. Elle n’en trouve pas moins un bel équilibre entre le pittoresque et la stylisation, entre ceux qui portent l’histoire et ceux qui la nient, comme ces boyards d’un autre temps, ou, plus encore, ces Vieux Croyants suicidés par le feu dans une forêt - un tsarevitch enfant en surgit à la fin, symbole de la continuité dynastique et de l’avenir de la Russie. Michail Jurowski, de son côté, connaît bien son affaire, un vrai pro que l’orchestre prend plaisir à suivre dans une version de Chostakovitch très maîtrisée et jamais bruyante. Sa direction paraît néanmoins plus solide qu’inspirée, parfois lisse, typique d’une certaine époque, surtout au premier acte : à défaut de grandeur épique, elle prend ensuite la mesure des enjeux de la longue fresque moussorgskienne, jusqu’à un troisième acte enfin habité, culminant avec le sacrifice des Vieux Croyants. Cela dit, on pense à ce qu’auraient donné Jurowski fils, Dmitri ou Vladimir…
Quoi qu’il en soit, cette reprise vaut d’abord par les voix : de belles voix, un bel ensemble comme l’Opéra de Paris ne nous en offre pas toujours. Passons sur les acidités de Nataliya Tymchenko : Emma n’apparaît pas souvent. Gleb Nikolsky a belle allure en Khovanski altier, chêne abattu par un pouvoir moins faible qu’il ne le croit et qu’incarne le Chakloviti de Sergei Murzaev, dont la vocalité assez brute, le timbre noir et mordant conviennent bien au personnage. A l’opposé, Orlin Anastassov, Dosifei irradiant, superbe de ligne et de couleurs, époux de la magnifique Susanna de Marina Lapina. Autre victime : le Golitsine ambigu, un peu nasal mais très assumé vocalement de Vsevolod Grivnov. Même usée, Larissa Diadkova garde la profondeur de ses graves et les moires de son timbre, femme blessée et prophétesse illuminée, entraînant sur le bûcher l’Andrei d’un autre ancien, un Vladimir Galouzine encore en voix et en style. Pas de Khovantchina sans chœur, peut-être le protagoniste de l’opéra : Alessandro di Stefano a fait du beau travail.
Didier van Moere
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