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Un Prêtre musclé Toulouse Halle aux Grains 11/23/2000 - Richard Strauss : Don Juan Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu (suite 1919) Modeste Moussorgsky : Les Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel) Orchestre National du Capitole de Toulouse, Georges Prêtre (direction) Pour inaugurer sa saison 2000/2001, l’Orchestre du Capitole retrouve son directeur des années 1951 à 1955, Georges Prêtre. Trop souvent boudé en France, la brochure du concert mentionne d’ailleurs ses succès étrangers en “oubliant” son passage à Toulouse -mais il est bien connu qu’avant Plasson, le déluge-, Georges Prêtre s’est aussi trop souvent attiré la condescendance des publics “informés” et de la critique.
Pourtant, on doit à ce chef brillant quelques enregistrements qui ont fait date, comme son Faust, la référence après la version d’André Cluytens, chef du Capitole de Toulouse en 1932, et avant celle de… Michel Plasson!, une excellente Damnation de Faust, des Pêcheurs de perles moins connus mais bien meilleurs que ceux de… Plasson!, la réhabilitation de La Jolie Fille de Perth, sans parler de ses célèbres, mais contestables, enregistrements avec Callas, Tosca et Carmen, tous enregistrés pour EMI, la marque de… Plasson!
Il ne s’agit nullement de mettre en parallèle la valeur des ces deux chefs ou de dénigrer Michel Plasson, mais simplement de faire remarquer que, en encensant ce dernier comme unique défenseur de la musique française, une certaine presse a un peu trop tendance à oublier des chefs de générations proches, moins médiatiques mais non moins excellents (on pourrait citer également Serge Baudo ou, à peine plus ancien, Pierre Dervaux).
On peut donc dire que ce concert était pour Georges Prêtre un juste retour des choses, et l’accueil plus que chaleureux du public qui était venu en foule l’applaudir prouve que les mélomanes toulousains n’ont pas forcément la mémoire si courte.
L’âge semble n’avoir aucune prise sur Georges Prêtre, toujours aussi fringant d’allure et nerveux dans sa direction, mettant dans sa battue un engagement et une énergie incroyable. Cette énergie caractérisait d’ailleurs le Don Juan de Strauss, nerveux, brillant, même si la pâte sonore de l’orchestre du Capitole paraissait bien claire, l’assise grave des contrebasses faisant un peu défaut.
Mais la suite de L’Oiseau de feu a vraiment dominé ce concert, dans une version toute de romantisme et de douceur. Et la clarté de l’orchestre était ici un atout dans une œuvre parmi les plus “françaises” de Stravinsky. L’éclatement du Finale, après la retenue exceptionnelle de la Berceuse, donnait littéralement envie de bondir du siège, tant Prêtre sut y insuffler dynamisme et tension.
Les Tableaux d’une exposition venaient conclure un programme très classique, un peu court sans doute, mais logique et de grande qualité. L’orchestration de Ravel pose de redoutables problèmes techniques aux musiciens, et l’orchestre du Capitole, qui s’était tiré sans grands accrocs de la première partie -quoi que, en y regardant de près, le début de L’Oiseau de feu…- n’a pas toujours brillé ici,notamment les cuivres solistes. Il faut dire que Prêtre y retrouvait un de ses pêchés mignons, le rubato à quatre-vingt-dix degrés, et que sa gestique parfois plus spectaculaire que précise semble avoir dérouté les musiciens. Cependant, on doit saluer la cohésion de l’orchestre qui, à part quelques accidents, n’a pas connu la panique. Malgré quelques phrases ainsi distendues et bousculées, malgré quelques “pains” retentissants, et grâce, là encore à une énergie et un engagement visibles et irrésistibles, ces Tableaux étaient tout de même captivants. La poignante poésie du Vecchio castello, avec un excellent saxophoniste, ou la fin de l'œuvre, de l’atmosphère morbide des Catacombes à l’éclatement triomphal de La Grande porte de Kiev, furent puissamment rendus.
On l’aura compris, un concert partial dans ses choix interprétatifs, certainement criticable dans sa réalisation, et pourtant enthousiasmant par la personnalité rayonnante du chef, d’un enthousiasme juvénile remarquable chez un homme de soixante-seize ans. Une grande personnalité, qui semble avoir conquis le public toulousain, et qu’il nous tarde de retrouver.
Laurent Marty
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