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Rêves d’hiver

Paris
Théâtre du Châtelet
01/24/2013 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 35 «Haffner» en ré majeur, K. 385 – Concerto pour violon n° 5 en la majeur, K. 219
Jean Sibelius : Symphonie n° 3 en ut majeur, opus 52

Arabella Steinbacher (violon)
Orchestre national de France, Neeme Järvi (direction)


N. Järvi (© Simon van Boxtel)


En raison des répétitions de La Favorite de Donizetti, l’Orchestre national de France quittait ce soir le Théâtre des Champs-Elysées, lieu habituel de ses concerts du jeudi, pour se transporter au Théâtre du Châtelet pour une représentation qui devait être originellement donnée sous la baguette de Sir Colin Davis. Or, le chef britannique, victime de soucis de santé au mois de septembre, a dû alléger ses activités et c’est donc le chef estonien Neeme Järvi qui le remplaçait. La collaboration entre le chef et l’orchestre est ancienne et a souvent donné lieu à de très belles réussites, tout spécialement lorsque les compositeurs nordiques étaient au programme (voir ici, ici et ici). Il en fut de même ce soir, tordant ainsi le cou à ceux qui, au regard de quelques concerts récents, avaient pu s’interroger sur la méforme du National.


Entendre Neeme Järvi diriger la musique de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) est assez rare même si, récemment, à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande dont il est chef titulaire pour une durée de trois ans (voir ici), il a dirigé aussi bien Une petite musique de nuit» que la tout aussi connue Serenata notturna. La Symphonie «Haffner» (1782) se place d’emblée sous le signe de l’excellence: les quarante cordes jouent avec une grande finesse cette œuvre véhémente et multicolore. Si l’Andante accusa une légère baisse de tension, les deux derniers mouvements furent tout aussi réussis que le premier. Neeme Järvi, faisant attention à constamment alléger la pâte orchestrale, dirige l’ensemble avec une grande maîtrise tout laissant une grande liberté aux musiciens: une entrée en matière de tout premier ordre.


Le Cinquième Concerto pour violon est certainement le plus célèbre des cinq que Mozart a composés pour cet instrument au cours de cette même année 1775, en raison notamment de son troisième mouvement, un «Rondeau» alla turca. La violoniste allemande Arabella Steinbacher (née en 1981), qui a récemment donné cette même œuvre sous la baguette de David Zinman, démontra que l’apparente facilité de ce concerto ne devait pas en masquer les chausse-trappes et la richesse évidente. Dans une magnifique robe-bustier couleur mauve, elle s’imposa avec panache: le port altier, l’archet conquérant, l’interprétation ne pouvait qu’être fougueuse. Si son jeu a pu sembler un peu froid dans l’Adagio, on ne peut que lui savoir gré d’avoir ainsi évité toute mièvrerie dans laquelle il est pourtant si facile de tomber ici. Le troisième mouvement est enlevé de la plus belle façon, le National, sous la direction précise et contrastée de Järvi, assurant un confort sonore de premier ordre. Le public du Châtelet ovationna Arabella Steinbacher, qui donna en bis non un sempiternel extrait des Sonates et Partitas de Bach mais le premier mouvement de la Sonate de Serge Prokofiev, démontrant à ceux qui en auraient douté que sa technique est impeccable.


Comme son fils Paavo, qui dirigeait le soir même salle Pleyel, a encore récemment eu l’occasion de le démontrer à la tête de l’Orchestre de Paris (voir ici), la famille Järvi aime ces compositeurs du nord de l’Europe, à commencer par Jean Sibelius (1865-1957), dont le père est depuis longtemps un interprète de tout premier plan. Très différente de ses deux premières symphonies, Sibelius a considérablement allégé le tissu orchestral dans la Troisième, privilégiant les couleurs et les climats (quel deuxième mouvement!) sur l’emphase qui caractérise notamment le dernier mouvement de la Deuxième . On ne peut que souscrire à l’expression d’Otto Andersson qui l’avait qualifiée de «symphonie pastorale du nord», dont Neeme Järvi et le National donnèrent ce soir une version exemplaire. Le premier mouvement, lancé de façon très dynamique par le chef, permet aux contrebasses et violoncelles d’imposer ses couleurs avant que les bois ne virevoltent comme de petits elfes. Le basson, le hautbois et la clarinette dégagent alors de superbes impressions tandis que les cordes ne cessent de tricoter, la partition étant particulièrement exigeante pour elles. Mais c’est certainement dans le poétique deuxième mouvement que le sommet fut atteint. Sur fond de cors, les deux flûtes de l’orchestre, irréprochables à l’instar de leurs camarades, jouent une triste mélopée tandis que les pizzicati de cordes avant que le motif ne soit repris par la clarinette, évoquant ainsi comme rarement chez le compositeur finlandais une chanson populaire. Puis c’est au tour des cordes de reprendre le thème, les bois étant toujours présents dans une sorte d’écho où la tristesse le dispute à un sentiment de simple et douce quiétude: secrètement, on aurait aimé qu’il soit bissé... Le dernier mouvement, fourmillant d’idées et de motifs, conclut de la plus belle manière cette œuvre où Neeme Järvi se sent comme un poisson dans l’eau, portant une attention visible à l’équilibre des nuances entre pupitres: quel chef!


Chose assez rare, l’Orchestre national de France donna un bis qui, comme souvent sous la baguette de Neeme Järvi, fut le magnifique Andante festivo), toujours de Sibelius: déjà enthousiaste, le public fut ainsi définitivement conquis. Compte tenu de l’indéniable réussite de ce concert, on ne peut donc que souhaiter à l’avenir entendre davantage le National jouer Mozart (ou Haydn) et voir plus souvent Neeme Järvi sur l’estrade.


Le site de Neeme Järvi
Le site d’Arabella Steinbacher



Sébastien Gauthier

 

 

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