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Travail Geneva Victoria Hall 01/16/2013 - et 12 (Basel), 14 (St. Gallen), 15 (Zürich) janvier 2013 Hector Berlioz : Le Corsaire, opus 21
Frank Martin : Ballade n° 2 pour flûte et orchestre
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour flûte n° 2 en ré majeur, K. 314
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel)
Emanuel Pahud (flûte)
Orchestre de la Suisse Romande, Charles Dutoit (direction)
E. Pahud (© Lou Denim)
Un des défis auquel doit faire face l’Orchestre de la Suisse Romande est d’être tiraillé entre sa saison symphonique et lyrique. Ce programme a fait l’objet de plus de soins que par habitude, puisqu’il n’était pas joué dans la cadre classique de la saison de Victoria Hall mais dans celui des concerts organisés par la Migros et avait déjà été joué à Bâle, St. Gallen et Zurich, et confirme qu’en musique comme dans bien de domaines, rien ne remplace un travail approfondi.
Dès le début de l’ouverture du Corsaire, on peut tout de suite apprécier une netteté, une qualité des attaques aux cordes et une cohésion des bois supérieure que par habitude. Les musiciens savent trouver l’énergie et le dramatisme de l’œuvre sans négliger le charme de la partie centrale.
Genevois de naissance et ancien professeur de la Haute Ecole de Musique de Genève, Emmanuel Pahud est simplement au sommet de son art. Il y a des excellentes sopranos mais il y a une Renée Fleming. Il y a de même des excellents flutistes mais il y a un Emmanuel Pahud. Sa sonorité ronde est splendide et bénéficie d’une dynamique que nombreux pourraient envier. Sa ligne musicale et ses phrasés sont de toute beauté et il sait caractériser les œuvres avec profondeur. Retrouvée par hasard en Hollande, la Seconde Ballade de Frank Martin, autre musicien genevois, démarre par une longue cantilène d’où ressort une angoisse un peu sourde. Si l’œuvre s’anime, elle n’a pas la brillance de la première ballade du même compositeur et se caractérise par une intériorité de tous les instants. Cette Ballade était initialement écrite pour saxophone, le Concerto K. 314 de Mozart était, lui, écrit pour hautbois. Les cordes de l’OSR s’y révèlent un peu raides mais Pahud nous rappelle que même dans la musique instrumentale, Mozart n’est pas loin de la scène. La musique est pleine de vie et l’Allegretto final est plein d’élégance et d’esprit, un vrai air d’opéra. Très applaudi par une salle comble, Emmanuel Pahud nous livre en bis un Prélude de Quantz plein de brio.
Si le soliste de ce soir est Genevois, Charles Dutoit est lui issu de Lausanne. Le chef romand fait partie des habitués avec qui le courant passe formidablement bien avec l’OSR. A mi-chemin entre la musique française et russe, les Tableaux d’une exposition est une œuvre faite sur mesure pour lui. L’orchestre au grand complet se révèle dans une grande forme. Les cordes trouvent beaucoup de couleurs permettant ainsi de faire ressortir la richesse du tissu harmonique. Les cuivres sont splendides et en dépit de la difficulté de leurs interventions sont d’une grande justesse (un peu plus que les contrebasses qui ont quelques problèmes d’intonation). Les différentes pièces sont pleines de caractères et «La Grande Porte de Kiev», pleine d’éloquence et de grandeur, est superbement construite. Cette exécution montre bien ce dont cet orchestre est capable dans les bonnes mains, le bon répertoire et les bonnes conditions. Ansermet aurait été fier de son orchestre et de son élève.
PS: Je conseille aux mélomanes de se rendre sur le site de l’émission Chut de la Radio-Télévision Suisse pour y voir un documentaire passionnant d’une heure qui suit des jeunes musiciens qui passent des épreuves si exigeantes pour rejoindre l’OSR. C’est l’occasion pour ceux qui n’habitent pas Genève de voir Victoria Hall et de voir le fameux rideau de velours utilisé lors des répétitions au milieu de la salle, élément-clé pour gérer l’acoustique de ce lieu. Vous y verrez ainsi Neeme Järvi, les deux violons solos de l’Orchestre, Bogdan Zvoristeanu et Abdel-Hamid El Shwekh, Guillaume Bachelier, régisseur de l’orchestre... ainsi que Metin Arditi lui-même.
Antoine Leboyer
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