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Patin final

Strasbourg
Opéra national du Rhin
12/07/2012 -  et 9, 11, 18*, 20, 23 décembre 2012 (Strasbourg), les 6, 8, 10 (Mulhouse), 20 (Colmar) janvier 2013
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 620
Sébastien Droy (Tamino), Paul Armin Edelmann (Papageno), Susanne Elmark (La Reine de la Nuit), Adrian Thompson (Monostatos), Olga Pasichnyk (Pamina), Bálint Szabó (Sarastro), Gudrun Sidonie Otto (Papagena), Anneke Luyten (Première Dame), Aline Martin (Deuxième Dame), Eve-Maud Hubeaux (Troisième Dame), Raimund Nolte (L’Orateur, Deuxième homme armé), Mark Van Arsdale (Premier prêtre, Premier homme armé), Jean-Gabriel Saint-Martin (Deuxième prêtre)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Maîtrise de l’Opéra national du Rhin, Orchestre Symphonique de Mulhouse, Theodor Guschlbauer (direction)
Mariame Clément (mise en scène), Julia Hansen (décors et costumes), Marion Hewlett (lumières), fettFilm (Momme Hinrichs et Torge Møller) (vidéo)


(© Alain Kaiser)


Rien n’interdit de mettre en scène La Flûte enchantée en s’accommodant d’un livret intégré définitivement dans notre héritage culturel collectif, incohérences comprises. L’ouvrage fonctionne encore bien ainsi, comme un livre d’images, la faiblesse assumée de son livret n’en révélant que mieux encore d’autres charmes, définitivement inépuisables.


Mais on peut aussi vouloir aller plus loin dans l’exploration d’une symbolique compliquée, au risque de brouiller sa lisibilité. Le projet de Mariame Clément et Julia Hansen paraît innovant et prometteur : Sarastro rassemble autour de lui une communauté scientifique aux préoccupations humanistes, centre de recherches cosmopolite dont la salle de réunion lambrissée sert de décor à tout le second acte. Ici on réfléchit, on expérimente, voire on se protège d’un environnement hostile. Car à l’extérieur, sur une lande herbeuse parsemée d’obstacles et de détritus réchappés d’une catastrophe quelconque, règnent la Reine de la nuit et les forces d’une nature à la fois nourricière et dangereuse. Finalement science et nature coexisteront-ils en meilleure symbiose à l’issue de l’opéra ? C’est là probablement le message des dernières minutes, longuette scène de baiser hollywoodien où Sarastro étreint la Reine de la nuit de force et la fait capituler progressivement, telle une Turandot renonçant à sa frigidité. Pourquoi pas...


Mais passé le stade des maquettes, le compte n’y est pas, par manque d’expérience et peut-être d’autocritique. A quoi bon dédoubler les trois dames de la Reine de la nuit - trois chanteuses en noir d’un côté et trois comédiennes en blanc de l’autre - si c’est simplement pour encombrer le plateau par trois potiches inutiles à la gestique balourde ? A quoi bon solliciter une équipe de vidéastes pour lui laisser finalement aussi peu d’occasions de s’exprimer (quelques projections çà et là, petitement cadrées, timides, étriquées...). Pourquoi vouloir absolument faire tenir l’intégralité du premier acte sur le même minuscule bout de lande, incommode monticule herbu sur lequel tout le monde se bouscule en prenant surtout garde à ne pas se tordre une cheville ? Pourquoi laisser se raidir à ce point les attitudes, chaque chanteur semblant se crisper à essayer de respecter quelques indications gestuelles imposées et s’abandonner pour le reste à l’inspiration la plus plate du moment ? Pourquoi enlaidir à ce point la malheureuse titulaire du rôle de Pamina, accorte à la ville, par une perruque et une robe qui la transforment en épouvantail ? On continue ?


Après l’entracte la mise en scène se structure davantage, dans un décor astucieux réservant quelques bonnes surprises (toboggan, tiroirs et autres accessoires sortant des murs). Encore trop d’erreurs (le bataillon de femmes de ménage de la première scène, encombrant, totalement inutile), de bévues (le déshabillage quasi-complet imposé à Monostatos pendant l’air de Sarastro, saynète laide et dérangeante qui capte trop l’attention) voire de ratages (l’embarrassante queue de reptile du costume de la Reine de la Nuit, la caisse en bois qui emprisonne Pamina et s’ouvre ou se ferme à vue en grinçant). Mais globalement les personnages se construisent mieux et la scène Papageno-Papagena est même attendrissante et réussie. Le public, jusqu’ici glacial, se dégèle enfin. Il est tard mais on peut sortir finalement de cette Zauberflöte avec un sentiment de relative indulgence.


La distribution, attentivement sélectionnée pourtant, suscite au mieux le même embarras poli. Car il faut beaucoup de résignation pour apprécier un Sarastro incapable d’émettre correctement les notes graves de son rôle, et beaucoup d’abnégation pour trouver des mérites à une Reine de la Nuit qui possède le timbre de l’emploi mais dont les aigus sont à peine plus justes que ceux de la regrettée Florence Foster Jenkins. Les aptitudes mozartiennes d’Olga Pasichnyk ne sont pas niables mais sa Pamina raidie, aux reflets métalliques peu en situation, ne ravit guère. Pas plus d’ailleurs que le timbre serré de Sébastien Droy et ses tentatives peu fructueuses d’arrondir une émission rétive n’en font un Tamino attachant. Passons sur un trio de dames peu homogène et sur des enfants tenus majoritairement par des jeunes filles aux timbres acides... Bonne tenue des chœurs, hélas le plus souvent relégués ailleurs que sur le plateau. A part un gentil duo Papageno/Papagena où brille Paul Armin Edelmann, baryton chaleureux immédiatement séduisant, rien d’autre n’émerge d’une moyenne bien décevante. Même constat pour un Orchestre de Mulhouse que Theodor Guschlbauer ne parvient presque jamais à guider vers davantage de souplesse et de lumière.


Que conclure, dès lors ? Que la critique est aisée mais que Mozart est difficile ? Maigre bilan !



Laurent Barthel

 

 

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