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La Grandeur des petits formats

Madrid
Guindalera, escena abierta
12/21/2012 -  & 23, 26, 22, 28, 30 décembre 2012, 2, 4, 6 janvier 2013
Jorge Fernández Guerra: Tres desechos en forma de ópera
Ruth González (soprano), Enrique Sánchez-Ramos (baryton)
Mónica Campillo (clarinette), Gala Pérez Iñesta (violon), Miguel Rodrigáñez, (contrebasse)


R. González et E. Sánchez-Ramos (© Elena Cuesta)


Attention, cette chronique n’évoque pas ici trois « morceaux », mais trois « déchets » ; certainement, en forme d’opéra, presque à la façon de Satie, mais pour ce dernier les morceaux étaient « en forme de poire », et la troupe qui propose cet opéra porte justement le nom de « La Pera Opera » (La Poire Opéra). Au moins, il ne s’agit pas d’ « embryons desséchés », malgré la proximité des sons.


Tres desechos en forma de ópera est un opéra de chambre comprenant trois instrumentistes et deux voix (soprano, baryton). Deux ombres de la rue, pour ainsi dire, pas tout à fait à la manière de la chanson de Piaf, mais faisant plutôt penser à ces artistes de la rue qui réclament notre attention, et notre obole. Il ne s’agit plus ici des vieux thèmes de « la foule [qui] chante, un peu distraite, en ignorant le nom de l’auteur », comme chez Trenet. Maintenant, ce sont des artistes en tous genres, qui jouent et chantent et déclament dans les rues, aux quatre coins du monde, dans le métro, sur les avenues, les allées ou les places. Cette forme d’art « à morceaux » est une polyphonie faite de « déchets ». Voilà le prétexte de Jorge Fernández Guerra pour Trois déchets en forme d’opéra. Un violon, une contrebasse, une clarinette créent le fond sonore et enveloppent les deux voix comme s’il s’agissait d’un orchestre, mais ils sont en même temps des personnages qui réclament leur part de la recette au même titre que les chanteurs.


Ce sont ces morceaux de la rue qui inspirent Fernández Guerra dans cet opéra de chambre, joué dans un théâtre de poche par une compagnie où tout est petit, sauf le talent. Fernández Guerra est le compositeur d’un très bel opéra, Sin demonio no hay fortuna (Sans démon, pas de fortune), qui date de 1987 (le titre est en fait un vers tout comme les titres des pièces de théâtre du Siècle d’Or, un clin d’œil cocasse évoquant les gloires d’antan, en même temps qu’il suggère vaguement le thème principal de l’œuvre). Un compositeur qui compose un opéra comme celui-ci aurait eu des commandes dans n’importe quel pays d’Europe. Fernández Guerra (Madrid, 1952), d’ailleurs, n’est pas un marginal. Il représente une des voix les plus importantes de la création musicale espagnole. Il a composé des pièces pour orchestre, pour orchestre de chambre, ainsi que la musique vocale. Il a dirigé le « Centre pour la diffusion de la musique contemporaine », et a été fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par la France. Enfin, son choix pour cette petite formule a quelque chose d’éthique tout en conférant à l’œuvre une forme de plaisanterie, de pochade, dans un style railleur et ironique. C’est le résultat d’un moment particulier de sa maturité artistique, un moment où il considère qu’il a eu bien raison, pendant des années, de se prendre au sérieux. Fernández Guerra, a du talent, mais il conserve toujours cet humour détaché qui le caractérise.


Si la musique commence souvent par Satie dans cet opéra de chambre, les variations sont les fantaisies urbaines d’un musicien inventif. Fernández Guerra réussit, avec une équipe très équilibrée, une proposition qui est tout à fait le contraire de ce qu’on peut voir dans les grands opéras. Le compositeur flirte (ici et dans d’autres compositions) avec la musique légère, populaire, les rengaines anciennes.


Guindalera, escena abierta (Guindalera, scène ouverte) est un tout petit théâtre comme il y en a beaucoup à Madrid et dans toutes les villes d’Espagne. Avec une différence importante : ici on exige du bon théâtre, et l’alibi de l’expérimentation ne suffit pas. La troupe de Guindalera est maintenant invitée dans un théâtre plus grand, plus officiel, comme si les institutions, étaient finalement reconnaissantes du travail artistique accompli par une compagnie exemplaire. Ici, Guindalera offre son tout petit espace, éminent de contenus, à La Pera Opera et à Guerra. Les trois musiciens sont aussi acteurs, ce qui est toujours le cas sur cette scène : Mónica Campillo (clarinette), Gala Pérez Iñesta (violon) et Miguel Rodrigáñez (contrebasse). Les voix (Ruth González, soprano) et Enrique Sánchez-Ramos, baryton) sonnent clairement dans cet écrin où tiennent à peine trois cents spectateurs. La mise en scène de Vanessa Monfort (auteur dramatique et romancière) est assez discrète dans la mesure où elle est au service de la partition et del’« action » et dissimule son côté brillant pour mieux servir le sens global du spectacle. Le mouvement des musiciens et des voix sont d’une théâtralité rigoureuse et en même temps divertissante, cocasse souvent, tout comme cet opéra et son auteur le réclament. Un beau succès pour ce petit format off-off-Teatro Real.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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