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Résurrection en demi-teinte

Marseille
Opéra municipal
11/24/2012 -  et 27, 29 novembre, 2 décembre 2012
Gaetano Donizetti : Poliuto

Massimiliano Pisapia (Poliuto), Daniela Dessi (Paolina), Vittorio Vitelli (Severo), Wojtek Smilek (Callistene), Stanislas de Barbeyrac (Nearco), Paul Rosner (Felice, Un chrétien), Alain Herriau (Un chrétien)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Alain Guingal (direction musicale)


D. Dessi, M. Pisapia (© Christian Dresse)


Poliuto n’a jamais eu beaucoup de chance. Composé pour le San Carlo de Naples en 1838, mais refusé par la censure du dévot Ferdinand de Bourbon, probablement choqué par cette histoire de chrétien jeté en pâture aux lions avec son épouse fidèle jusqu’à la mort – mais amoureuse d’un autre! –, l’ouvrage voit enfin le jour en 1840 à l’Opéra de Paris sous le titre Les Martyrs, moyennant l’adjonction de nouveaux morceaux, et de l’incontournable ballet, dans le style du grand opéra. Le succès s’avère mitigé et les Parisiens ne se montrent guère sensibles à cette adaptation d’une des plus célèbres tragédies de Corneille, Polyeucte. Les Martyrs tombent ensuite dans l’oubli, même si quelques morceaux trouvent place dans les rares reprises italiennes du Poliuto original, comme ce fut le cas à La Scala, en 1960, avec Maria Callas dans le rôle de Paolina. Il n’y a guère que le festival de Bergame, ville de naissance du compositeur italien, qui ait repris depuis ce titre (en 1993 et en 2011), et nous ne pouvons que saluer l’initiative de Maurice Xiberras, maître des lieux, de redonner sa chance, en France cette fois, à cette partition.


Grand habitué de la fosse phocéenne – et du répertoire belcantiste –, le chef français Alain Guingal dirige l’Orchestre de l’Opéra de Marseille avec l’élan et la fougue irrésistibles qu’on lui connaît. La responsabilité du (relatif) succès de la soirée repose essentiellement sur sa lecture passionnée, qui entraîne le spectateur dans un tourbillon capable de lui faire oublier les faiblesses de la musique... de même que celles d’un orchestre maison pas toujours précis et d’un chœur aux nombreux décalages. Et si certains raffinements de la partition passent à la trappe, la fusion n’opère pas moins, portée jusqu’à l’incandescence dans la célèbre marche triomphale du II, dont Verdi n’oubliera pas de se souvenir quand il composera Aïda.


Sans avoir totalement démérité, les deux protagonistes principaux n’ont cependant pas vraiment convaincu, car ils ne sont visiblement pas des spécialistes du répertoire belcantiste, possédant des moyens bien plus adaptés aux ouvrages de Verdi et de Puccini. Fruste et sonore, le Poliuto de Massimiliano Pisapia ne dispose ni du legato, ni du raffinement dans la ligne qu’exige cette partie, écrite à l’intention du célèbre ténor Adolphe Nourrit. Tous ses aigus, émis en arrière, sont systématiquement claironnés et blanchissent sous le coup de l’effort. Nous lui préférons du coup le Nearco du jeune ténor français Stanislas de Barbeyrac, qui lui donne la réplique au début de l’ouvrage, et dont la couleur, la projection et surtout le style, semblent bien mieux s’inscrire dans la vocalità de Poliuto.


Daniela Dessi confère à Paolina toute l’intensité requise par cette héroïne, grâce à ses inflexions farouches, la vérité de ses accents et un engagement de tous les instants. Mais le chant, tout d’énergie et de violence, se réfère davantage au répertoire puccinien, ignorant trop souvent l’abandon extatique du chant piano legato exigé ici. Par ailleurs, son vibrato est souvent envahissant, son registre aigu s’est considérablement durci et sa voix a beaucoup perdu de sa souplesse d’autrefois, l’artiste peinant manifestement dans les vocalises.


Excellent, en revanche, le baryton italien Vittorio Vitelli, qui campe un proconsul romain (Severo) d’une belle autorité, autant physiquement que vocalement. Il s’avère en outre pourvu de ce fameux legato morbido, indispensable au baryton donizettien, dont l’archétype est le regretté (sur scène) Renato Bruson, auquel le jeune chanteur fait parfois penser. Tous les comprimari se sont parfaitement acquittés de leur tâche, avec une mention toute spéciale pour le fidèle et toujours brillant Wojtek Smilek, pour sa stature (et ses graves!) dans le rôle du grand prêtre Callistene.


En conclusion, le concert marseillais soulève toujours le même problème quand il s’agit de ce répertoire: trouver les interprètes capables de rendre justice au premier romantisme italien.



Emmanuel Andrieu

 

 

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