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Essai non transformé Nancy Opéra 09/25/2012 - et 27, 30 septembre, 2*, 4 octobre 2012 Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte, K. 588
Marie Adeline Henry (Fiordiligi), Gaëlle Arquez (Dorabella), Clémence Barrabé (Despina), Julien Behr (Ferrando), Gyula Orendt (Guglielmo), Lionel Lhote (Don Aflfonso)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Merion Powell (chef du chœur), Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, Tito Munoz (direction musicale)
Jim Lucassen (mise en scène), Marc Weeger et Silke Willette (décors et costumes), Reinhard Traub (lumières)
(© Opéra national de Lorraine)
Evidemment, on n’attendait pas du metteur en scène hollandais Jim Lucassen, signataire in loco d’une étonnante Rusalka il y a deux saisons, une vision traditionnelle de Così fan tutte, entre boudoir bonbonnière et robes à paniers. Après la transposition très réussie de l’œuvre de Dvorák dans un muséum d’histoire naturelle, il situe cette fois l’action dans un magasin de mode chic, dans les années 1970. Si le premier acte fonctionne à peu près – on y voit le quatuor amoureux venir essayer costumes et robe de mariée –, les différents lieux de l’action ne sont plus respectés par la suite, et la pose intempestive, à l’acte II, d’un gazon vert acidulé et de quelques rochers en plastique ne peut donner l’illusion d’un jardin. Et ce ne sont certes pas les lumières cliniques de Reinhardt Traub qui viendront racheter la banalité et la laideur des décors. Enfin, si certains costumes, signés par les décorateurs (Marc Weeger et Silke Willette), sont d’une belle élégance (ceux portés les sœurs), ceux imaginés pour les deux pseudo-Albanais, affublés en outre de perruques afro, sont fort disgracieux.
Laurent Spielmann, maître des lieux, a fait le pari d’une distribution, essentiellement française, de jeunes chanteurs. La soprano française Marie-Adeline Henry, qui nous avait ébloui à Rennes dans Le Tour d’écrou la saison passée, se révèle également brillante dans le personnage de Fiordiligi. La voix est puissante, bien en place, et l’aplomb dramatique de chaque réplique convainc. Certes, il faut en payer le prix: certains changements de registre manquent de moelleux, tandis que certains aigus s’avèrent un peu durs. Cela posé, son grand air du II, «Per pietà», a constitué le zénith vocal de la représentation. Mais la sculpturale Gaëlle Arquez n’enchante pas moins avec sa Dorabella impétueuse, et sa tessiture accuse une telle égalité de texture, notamment dans un «Smanie implacabili» enthousiasmant , qu’elle s’affirme presque comme l’élément fort du duo que forment ces sœurs si dissemblables.
Le baryton roumain Gyula Orendt campe un excellent Guglielmo, délicat et racé, à la voix pleine d’autorité et de musicalité. Mais la palme revient au Ferrando de Julien Behr. Le jeune ténor français trouve dans ce rôle mozartien un emploi idéalement adapté à ses possibilités: le chant est clair, riche en contraste et en nuances, et nous avouerons que ses hautes notes, placées à la perfection, nous ont fait fondre. Son premier air, «Un’aura amorosa», est une leçon de style et d’élégance, tandis qu’il apporte une violence impressionnante, un peu plus tard, dans son aria du II «Tradito, schernito». Enfin, Clémence Barrabé (Despina) tient l’emploi davantage par l’abattage de son jeu que par des ressources vocales plus limitées, le baryton belge Lionel Lhote incarnant, de son côté, un Don Alfonso étonnamment jeune de tournure, mais trop peu présent pour jouer le rôle démoniaque qu’il s’est réservé dans cette mascarade.
Directeur musical de la phalange lorraine depuis l’an passé, le chef new-yorkais Tito Munoz montre d’excellentes dispositions mozartiennes, tout juste entachées par quelques décalages. Grâce à sa direction souple, combinant avec art de subtiles gradations entre tempi vifs et tempi lents, et grâce à une attention particulière au permanent dialogue entre voix et instruments, il a, du début à la fin, soutenu l’intérêt et placé les chanteurs dans un environnement favorable.
Emmanuel Andrieu
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