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Les derniers feux d’un crépuscule

Paris
Palais Garnier
09/08/2012 -  et 11, 13, 19, 22, 25, 27 septembre
Richard Strauss : Capriccio, opus 85
Michaela Kaune (Die Gräfin), Bo Skovhus (Der Graf), Joseph Kaiser (Flamand), Adrian Eröd (Olivier), Peter Rose (La Roche), Michaela Schuster (Die Schauspielerin Clairon), Ryland Davies (Monsieur Taupe), Barbara Bargnesi (Eine italienische Sängerin), Manuel Nunez Camelino (Ein italienischer Tenor), Laura Hecquet (Eine junge Tänzerin), Jérôme Varnier (Der Haushofmeister), Antonel Boldan, Chae Woon Lim, Vincent Morell, Christian Rodrigue Moungoungou, Slawomir Szychowiak, Dok Chung, Yves Cochois, Hyun-Jong Roh (Acht Diener)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
Robert Carsen (mise en scène)


M. Kaune (© Opéra national de Paris/Elisa Haberer)


Un classique, le Capriccio de Strauss vu par Robert Carsen. Or les classiques ne vieillissent jamais. La mise en abyme, qu’il aime tant et qu’on retrouve dans ses Contes d’Hoffmann présentés parallèlement à Bastille, atteint ici un rare niveau de pertinence et de raffinement : le sujet même l’appelle, le cadre de Garnier aussi, devenu le symbole même de l’opéra, dont il semble incarner l’essence, le mystère et le faste. Clemens Krauss créa l’œuvre en 1942 : flanquer la Clairon d’un officier nazi suffit à nous renvoyer aux heures sombres de l’occupation, à une dictature dont la lettre de Capriccio fait totalement abstraction. Inutile de rappeler la précision et la finesse de la direction d’acteurs : dans le salon XVIIIe policé, Carsen met à nu les passions, celles que suscitent la Comtesse ou la Clairon, celle aussi que voue La Roche, totalement revisité par lui, au théâtre. Et comme la musique de Strauss, la mise en scène éblouit par sa beauté plastique, derniers feux du crépuscule d’un monde fondé sur l’artifice – splendeur du décor du Foyer de la danse, écrin de rêve pour la robe somptueuse de la Comtesse.


Le spectacle avait été conçu en 2004 pour Renée Fleming, pour son timbre de miel et de velours. Y serait-elle aussi pertinente aujourd’hui ? Michaela Kaune, si elle n’a pas les mêmes avantages, avec un timbre beaucoup plus liquide, campe une Comtesse de grande classe, dont elle perçoit les coquetteries ambiguës, se coulant surtout naturellement dans les subtils méandres de la conversation en musique straussienne, d’un raffinement sans sophistication, un rien distante certes, jusqu’à une très belle scène finale, là où Solveig Kringelborn, en 2007, semblait trop prosaïque. On comprend qu’elle fasse chavirer le Flamand éperdu de Joseph Kaiser ou l’Olivier un peu pâlichon au début d’Adrian Eröd. A ceux-ci le la Roche de Peter Rose, directeur à la fois madré et passionné, vole la vedette par son aisance et sa présence, seulement trop limité ici ou là dans la profondeur de la tessiture. Bo Skovhus, lui, semble de plus en plus se parodier lui-même : Comte dandy, brûlant les planches, ne pouvant malgré tout faire oublier qu’il manque pas mal de notes du rôle à sa voix écourtée. Il manque également du grave, comme à sa Nourrice salzbourgeoise l’an passé, à la Clairon de Michaela Schuster, qui évite heureusement d’en faire une caricature de star. Parfaits comprimarii autour d’eux, du vétéran Ryland Davies à l’excellent Majordome de Jérôme Varnier.


Capriccio constitue aussi un «Gespräch mit Musik» pour l’orchestre : tous les straussiens ne s’y sont d’ailleurs pas risqués. Philippe Jordan y paraît moins à l’aise que dans Le Chevalier ou Ariane : il ne trouve pas, au début, la respiration de l’œuvre, d’une clarté toute chambriste mais au geste décousu, parfois raide. Il prend progressivement ses marques, non sans chutes de tension, plus à son affaire dans les grands élans lyriques, maîtrisant avec aisance le difficile octuor ; on aimerait néanmoins plus d’abandon, de sensualité – le clair de lune final –, d’humour aussi. On sait cependant que le directeur musical de l’Opéra ne se montre pas toujours sous son meilleur jour aux premières.


C’est la deuxième reprise de ce Capriccio, que Hugues Gall avait commandé pour tirer sa révérence. Un coup de maître.



Didier van Moere

 

 

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