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Un Requiem à couper le souffle Milano Teatro alla Scala 08/27/2012 - et 29* (Lucerne), 31 (Salzburg) août 2012 Giuseppe Verdi: Messa da Requiem Anja Harteros (soprano), Elīna Garanca (mezzo-soprano), Jonas Kaufmann (ténor), René Pape (basse)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Barenboim (direction musicale)
(© Priska Ketterer)
Messe ou opéra? A moins qu’il ne s’agisse d’un «opéra en robe d’ecclésiastique», pour reprendre la célèbre formule du chef d’orchestre Hans von Bülow. Depuis sa création en 1874, le Requiem de Verdi n’en finit pas de susciter les débats. Il faut dire que le compositeur, laïc catholique non croyant, selon une autre formule fameuse, a habilement brouillé les pistes. Pour Daniel Barenboim, la réponse est claire, comme il vient de le prouver magistralement à Lucerne, après Milan et juste avant Salzbourg: sa lecture de la partition est intense, pleine d’emphase, puissante et virile, plus théâtrale que recueillie en fin de compte, à l’image du triple «forte» du Dies Irae, qui n’aura jamais paru aussi effrayant, un sentiment renforcé par les trompettes dispersées à différents endroits de la salle, comme si elles annonçaient l’apocalypse. Mais le chef sait aussi faire ressortir les frémissements et les murmures des autres passages, qu’ils soient douloureux ou joyeux, comme le Sanctus, mais qui tous s’égrènent lentement et majestueusement. Le contraste n’en est dès lors que plus saisissant. C’est vrai, il y a peu de place ici pour les déchirements intérieurs et les interrogations sur la destinée de l’être humain, mais on ne peut que s’incliner devant tant de force et de puissance, devant ce qui apparaît comme une telle évidence, une remarquable cohérence de bout en bout.
Il faut dire que Daniel Barenboim peut compter sur le Chœur et l’Orchestre de la Scala, en forme superlative, pour lesquels le Requiem de Verdi a toujours constitué une sorte de carte de visite. Le chœur? On retiendra surtout ces «r» incisifs, exagérément roulés du Requiem aeternam dona eis, qui s’élèvent comme sortis de nulle part, cette précision dans les attaques, cette homogénéité des registres, cette façon de chanter qui vient du plus profond de l’âme. L’orchestre? Que dire du bruissement des cordes dès les premières mesures, qui finit par se transformer en long ruban soyeux, des roulements de timbale à donner froid dans le dos, de la rutilance des cuivres ou encore, on l’a dit, du déchaînement sonore du Dies irae? Le quatuor de solistes est dominé par Anja Harteros, voix claire et éthérée, qui semble planer au-dessus du chœur et de l’orchestre. Tout simplement miraculeux. Le finale du Libera me restera comme le grand moment d’émotion de la soirée. Elīna Garanca séduit par la chaleur et le velours de son timbre ainsi que par ses accents impérieux, même si elle manque quelque peu d’expressivité. Jonas Kaufmann est au somment de son art lorsqu’il chante mezza voce, notamment dans l’Hostias, où se succèdent des murmures à peine audibles. Prodigieux. René Pape semble moins engagé que ses collègues, mais ses Mors donnent des frissons, résonnant comme s’ils sortaient de la tombe. Une soirée musicale comme on n’en vit qu’une ou deux par saison, et qui restera dans les annales du Festival de Lucerne. Bonne nouvelle: le concert de Milan devrait être immortalisé en DVD.
Claudio Poloni
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