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Sobriété luthérienne

Chaise-Dieu
Abbatiale
08/27/2012 -  et 28* (La Chaise-Dieu), 30 (Utrecht) août 2012
Johann Sebastian Bach : Prélude en ré mineur, BWV 539 (*) – Messe en si mineur, BWV 232

Mariëlle Kirkels (soprano), Asa Olsson, Inga Schneider (mezzos), Dorien Lievers (alto), Jon Etxabe Arzuaga, José Pizarro (ténors), Nicolas Boulanger, Pierre-Guy Le Gall White (basses), Coralie Amedjkane (*) (orgue)
Cappella Amsterdam, Il Gardellino, Daniel Reuss (direction)




Le quarante-sixième festival de La Chaise-Dieu est marqué par l’annonce, début juillet, du départ de son directeur général: en fonction depuis 2003, Jean-Michel Mathé va diriger le festival de Besançon, où il remplace David Olivera, mais sera associé au choix de son successeur et contribuera à la préparation du festival 2013. Du 22 août au 2 septembre, avec ses quarante concerts, manifestations gratuites non comprises (quatorze «aubades» ou «sérénades» et deux récitals d’orgue), dans la cité casadéenne, au Puy-en-Velay et dans quatre autres communes de Haute-Loire (Brioude, Chamalières-sur-Loire, Saint-Paulien) ou du Puy-de-Dôme (Ambert), 2012 s’inscrit dans la lignée de ces dernières éditions: si l’accent est mis cette année sur la musique française, de Charpentier à Escaich, la diversification des genres est désormais bien ancrée.


La musique symphonique (orchestres nationaux de Lille, de Lorraine et de Lyon, Les Siècles, La Chambre philharmonique, Brussels Philharmonic, orchestres du festival de Gstaad et philharmonique royal des Flandres) et, dans une moindre mesure, la musique de chambre et les récitals (Nemanja Radulovic, Alexandre Tharaud, les sœurs Labèque, ...) ont en effet acquis une importance comparable à celle reconnue de longue date aux formations spécialisées dans le répertoire ancien et baroque, qu’elles soient vocales ou instrumentales (Arsys Bourgogne, Collegium 1704, Ensemble William Byrd, La Fenice, Les Folies françoises, Das neue Orchester, Les Passions, Pygmalion, La Simphonie du Marais, ...). Mais la musique religieuse demeure le pilier central de la programmation – rien de plus normal dans un cadre aussi idoine que celui de l’abbatiale Saint-Robert (XIVe et XVe) – et ce à la grande satisfaction du public, puisqu’en ce mardi en début après-midi, la Messe en si mineur suscite une grande affluence alors qu’elle a déjà été donnée la veille en fin d’après-midi par les mêmes interprètes.


Comme de coutume, tous les concerts en l’abbatiale débutent par une brève pièce ou improvisation sur le grand orgue (1779) confiée à une jeune musicienne: à 14 heures 30 précises, Coralie Amedjkane joue ainsi une page de Bach, le Prélude BWV 539 (sans sa Fugue). Il faut hélas une fois de plus déplorer que ce court moment, très apprécié des habitués du festival, semble toutefois laisser complètement indifférents certains spectateurs, qui, comme s’il ne s’agissait que d’une musique de fond, continuent leurs conversations sans désemparer, peut-être au prétexte qu’ils ne voient pas l’artiste.


La venue de la Cappella Amsterdam avec Daniel Reuss, qui en est le directeur musical depuis 1990, témoigne de la grande qualité de l’affiche à La Chaise-Dieu. Les vingt-sept membres de l’ensemble vocal néerlandais (formé de nombreuses nationalités) sont en effet les grands triomphateurs de cette Messe: tant par sa perfection technique que par ses textures transparentes, il se hisse au rang des meilleurs ensembles comparables (Chœur Monteverdi, accentus, ...). Les airs et duos sont confiés à quelques-uns de ses membres, qui, à chaque fois, se détachent de leurs camarades pour rejoindre l’avant-scène pendant la fin du numéro précédent: huit chanteurs se partagent les cinq parties solistes.


Les deux interventions que la partition réserve tant au ténor qu’à la basse ne peuvent donc qu’inciter à la comparaison. Entre les Espagnols Jon Etxabe Arzuaga et José Pizarro, la préférence va au premier, clair et lumineux dans le duetto «Domine Deus» du Gloria, plutôt qu’au second, trop tendu dans le Benedictus. Il est en revanche difficile de départager Nicolas Boulanger, sûr et affirmatif dans le «Quoniam tu solus sanctus» du Gloria, de l’Américain Pierre-Guy Le Gall White, très à l’aise dans l’aigu et les vocalises de son air «Et in Spiritum Sanctum» du Credo.


De même les deux parties de soprano et celle d’alto sont confiées à quatre chanteuses. Hormis la mezzo Inga Schneider, gênée par les graves du «Qui sedes» dans le Gloria, les voix, si elles ne sont certes pas puissantes, sont justes d’intonation et d’expression, notamment celle de la Néerlandaise Dorien Lievers (alto) dans l’Agnus Dei. Elle est tout aussi remarquable dans son duetto «Christe eleison» du Kyrie avec sa compatriote Mariëlle Kirkels (soprano), elle-même excellente dans le duetto «Domine Deus», tandis que la mezzo suédoise Asa Olsson s’illustre elle aussi dans le «Laudamus te» du Gloria.


Daniel Reuss dirige Il Gardellino, ensemble baroque belge constitué en 1988, notamment autour de Marcel Ponseele, le fidèle hautboïste de Herreweghe (qui y retrouve d’ailleurs le non moins fidèle Taka Kitazato): onze cordes, dont un violon solo à l’intonation un peu flottante dans le «Laudamus te», mais flûtes impeccables dans le «Domine Deus» et le Benedictus et trompettes (naturelles) satisfaisantes, le premier trompettiste jouant par ailleurs sans trop d’accrocs la redoutable partie de cor (non moins naturel) du «Quoniam tu solus sanctus». Dans cette messe catholique, le chef néerlandais renonce à l’éclat et à l’exubérance romains pour privilégier la raison et la sobriété luthériennes: le tempo est assez allant (à peine une heure trois quarts), mais la conception demeure assez étale et manque parfois de flamme, à l’image d’un Kyrie plus sage qu’implorant ou d’un «Crucifixus» désincarné.


Le site de Daniel Reuss
Le site de la Cappella Amsterdam
Le site d’Il Gardellino



Simon Corley

 

 

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