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Maria ressuscitée

Cracow
Philharmonie
07/21/2012 -  
Roman Statkowski : Maria
Wioletta Chodowicz (Maria), Tomasz Kuk (Waclaw), Krzysztof Szumanski (Le Voïvode), Monika Korybalska (Le Jeune Garçon), Andrzej Lampert (Un noble, un cosaque), Sebastian Szumski (Le Cauchemar, un capitaine de cavalerie, un cosaque, un masque)
Chœur de la Radio Polonaise de Cracovie, Orchestre du festival de Cracovie, Tomasz Tokarczyk (direction)


R. Statkowski (© Centre d’information sur la musique polonaise)


L’essentiel sur Roman Statkowski (1859-1925) compositeur d’opéra, on le trouvera sous la plume de Piotr Kaminski... mais pas dans son anthologique somme Mille et un opéras : dans le numéro de L’Avant-Scène Opéra consacré au Roi Roger, où il présente l’opéra polonais avant Szymanowski. Celui-ci, d’ailleurs, estimait assez son aîné pour écrire des lignes aussi élogieuses qu’émouvantes au moment de sa mort. Au Conservatoire de Varsovie, Statkowski enseigna la composition à partir de 1909, lorsque Noskowski disparut, et occupa les fonctions de vice-directeur en 1919. Il laissa deux opéras, Filenis (1897) et, surtout, Maria (1903), histoire d’un méchant voïvode qui, à la faveur du départ de son fils à la guerre, fait noyer sa belle-fille, de trop petite noblesse à ses yeux – sujet tiré du célèbre « Poème ukrainien » du préromantique Antoni Malczewski (1793-1826), un des représentants de « l’école ukrainienne ».


L’œuvre a été ressuscitée à la Radio de Varsovie en 2008, par le jeune et talentueux Lukasz Borowicz, puis représentée au festival de Wexford en 2012. L’Opéra de Cracovie ayant refusé de la coproduire – une honte – le festival de musique polonaise a dû se résoudre à en présenter une version de concert. Il n’en fallait pas plus pour apprécier les mérites d’un authentique compositeur d’opéra, au métier solide – acquis à l’Institut de musique de Varsovie, puis auprès de Rubinstein et de Rimski. Son invention mélodique le destinait au genre, de même que son sens du théâtre, renforcé par un art consommé de l’instrumentation. Si Maria se situe plus près de Tchaïkovski que de Wagner, elle rompt souvent avec l’opéra à numéros et ne dédaigne pas le leitmotiv ; si, au troisième acte, l’air de l’héroïne révèle des accents dignes de Tatiana, l’introduction rappelle la tempête de La Walkyrie. Elle prolonge aussi la tradition de Moniuszko, notamment à travers les rythmes de danses polonais. Et l’on retient aussitôt, entre autres, l’Ouverture, un vrai poème symphonique, le grand interlude orchestral séparant les deux premiers actes, le quatuor de violoncelles du deuxième, le duo et la prière à l’unisson du troisième.


Constitué pour l’occasion, l’Orchestre du festival de Cracovie donne le meilleur de lui-même, homogène et enthousiaste, de même que le Chœur de la Radio de Cracovie, sollicité dans les nombreuses scènes d’ensemble. Tomasz Tokarczyk, directeur de l’Opéra local, qui dirigeait à Wexford, galvanise ses troupes avec un sens remarquable de l’urgence théâtrale, mettant à nu les couleurs à la fois vives et recherchées de l’orchestre. Déjà Maria à la Radio de Varsovie, Wioletta Chodowicz est bien le grand lyrique exigé par l’héroïne, avec un aigu éclatant, un timbre charnu, une homogénéité de la tessiture, un tempérament dramatique. On l’aurait aimée mariée à un Waclaw plus raffiné que Tomasz Kuk, trop ténor stentor gueulant ses aigus, capable pourtant de nuances ici ou là. Mais elle trouve en Krzysztof Szumanski le beau-père redoutable qu’on attend, timbre de basse coupant et sombre, voïvode noir et diabolique, stylé pourtant – plus policé que dans Quo vadis. Il ne fait aucune ombre, cependant, au Miecznik [porte-glaive, comme dans Le Manoir hanté de Moniuszko] du baryton Adam Kruszewski, père de Maria plein de noble fierté, voix riche, impeccable phrasé – tous deux chantaient à Wexford.


Maria achevait le festival en beauté. Il faut redécouvrir Statkowski, ses quatuors notamment. Pour Maria, le concert de 2008 a heureusement été capté par les micros de Dux.



Didier van Moere

 

 

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