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Le retour d’Elzbieta Szmytka Cracow Université Jagellon, Collegium novum 07/21/2012 - Karol Szymanowski : Rimes enfantines op. 49
Mieczyslaw Karlowicz : Mélodies choisies
Elzbieta Szmytka (soprano), Levente Kende (piano) E. Szmytka
C’était un peu un événement : établie hors de la Pologne, Elzbieta Szmytka n’y a guère fait carrière et y apparaît peu souvent. Le festival de musique polonaise lui a offert une de ses matinées, qu’elle a consacrée à Szymanowski et à Karlowicz, dont les noms, dans leur pays même, ne se trouvent pas si souvent à l’affiche.
De Szymanowski, les Rimes enfantines, écrites sur des vers de Kazimiera Illakowicz, sont sans doute le cycle vocal le plus difficile – n’est-ce pas le cas de La Chambre d’enfants de Moussorgski ? Difficile, en effet, de retrouver un esprit d’enfance sans tomber dans la mièvrerie, en oubliant l’opéra, surtout. Difficile de parvenir à la fusion du mot et de la note, qui semble aller de soi dans une simplicité trompeuse et souvent très élaborée. Elzbieta Szmytka est parfois un peu restée en deçà de ces exigences, handicapée d’abord par une voix aujourd’hui instable, très stridente à partir du haut médium, peu adaptée, par conséquent, à une telle partition – elle rate d’ailleurs l’attaque des notes dans le « Avant de s’endormir » initial. Mais la soprano parle sa langue, se joue du chant syllabique rapide, perçoit l’humour de « La Visite à la vache », les langueurs du « Chat ». Et sa technique lui permet de tenir les longues phrases des Berceuses – dont le Stabat Mater, qu’elle a chanté tant de fois, ne se tient pas si éloigné.
Les Mélodies de Karlowicz, quatorze sur la vingtaine laissée par le musicien, plus liées aux nostalgies fin de siècle, plus traditionnelles de facture et d’écriture, lui conviennent mieux. Elle varie d’ailleurs davantage les couleurs de la voix, y révèle une émission plus souple, semble plus libérée. Beau legato dans « Je me souviens des jours paisibles, clairs et dorés », ductilité du phrasé dans « Les Feuilles de rouille », sensualité diffuse de « Des poèmes érotiques ». Les deux bis, très beaux, remontent encore dans le temps : mazurka coquine du « Joli garçon », Lento désolé de « Il manque ce qu’il faut », de Chopin.
Levente Kende accompagnait la chanteuse : une révélation. Rares sont les occasions d’entendre un accompagnateur de cette qualité. Plutôt un partenaire, d’ailleurs, voire un meneur de jeu. Le pianiste plante aussitôt un décor, qu’il ajuste à chaque texte, installe des ambiances, raconte et décrit, fait chanter le clavier. La partie de piano de Karlowicz, qui n’a pas, loin de là, la richesse de celle de Szymanowski, en ressort transformée – Karlowicz, de toute façon, allait bientôt se consacrer exclusivement à l’orchestre.
Didier van Moere
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