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Redécouvrons Palester

Cracow
Aula florianska
07/20/2012 -  
Zygmunt Krauze : Aus aller Welt stammende, pour 5 violons, 3 altos et 2 violoncelles
Roman Palester : Nocturne pour cordes
Wojciech Kilar : Choralvorspiel pour orchestre de chambre à cordes – Concerto pour piano n°2

Beata Bilinska (piano)
Sinfonietta Cracovia, Robert Kabara (direction)


B. Bilinska


Le festival de musique polonaise de Cracovie, on l’a vu, fait place aussi au vingtième et au vingt-et-unième siècle. Zygmunt Krauze (1938), dont le nom fut identifié à l’unisme en musique, vient de faire parler de lui en France avec son Polyeukt toulousain, « meilleure création musicale » pour le Syndicat de la critique. Aus aller Welt stammende (1973) concilie l’inspiration populaire, chère à toute la musique polonaise, et la liberté de traitement du matériau. La partition se fonde sur quatre mélodies populaires, jouées simultanément par les mêmes instruments sans aucune contrainte de tempo, d’articulation ou d’intensité – il est intéressant de comparer avec « l’aléatoire contrôlé » de Lutoslawski, par exemple. Ainsi se crée une atmosphère très particulière, où le même se mêle au différent, où tout est à la fois éludé et assumé, familier et lointain. Belle interprétation de Robert Kamara à la tête du Sinfonietta Cracovia, dont les cordes témoignent d’une grande homogénéité.


Roman Palester (1907-1989), qui s’exila et travailla à Radio Free Europe, se mettant par là au ban de la vie musicale polonaise, n’est guère joué aujourd’hui, même dans sa patrie. Il faudrait pourtant redécouvrir cette œuvre puissante, originale, issue d’un esprit foncièrement indépendant. Composé à Cracovie, avant le départ de son pays, le Nocturne pour cordes (1947) révèle le tempérament profondément lyrique du compositeur, son goût pour un certain hédonisme sonore aussi – à l’époque où beaucoup n’avaient d’yeux que pour Bartok et le sérialisme pur et dur. Les métamorphoses du thème montrent, de leur côté, un art consommé de la forme, qui jamais ne se dilue. Ici, encore Robert Kabara obtient de ses musiciens une belle pâte sonore – élément indispensable pour les effets de marqueterie de ce Nocturne. Et si c’était la meilleure partition du programme ?


Le quatre-vingtième anniversaire de Wojciech Kilar (1932) constitue, en Pologne, un événement. Il est en effet, avec Penderecki, le plus en vue des compositeurs vivants de l’ancienne génération. Tous deux, d’ailleurs, ont suivi le même itinéraire : modernistes iconoclastes au début, ils écrivent aujourd’hui dans un langage beaucoup plus traditionnel, très attirés aussi par le sacré – façon de retrouver une certaine « polonité ». Cela peut malheureusement masquer, au-delà de l’incontestable savoir-faire, une pauvreté d’invention, comme dans les deux œuvres inscrites au programme du Sinfonietta Cracovia. Prélude de choral (1988) est d’abord, dans le Dolce, une musique contemplative, extatique, tonale malgré un peu d’école buissonnière, où perce également l’inspiration montagnarde. Le Misterioso du choral paraît ensuite d’une grande banalité, tandis que les accords inlassablement répétés du Più largo ont des relents de minimalisme répétitif. On croit parfois entendre du sous-Gorecki. Les quatre mouvements du récent Second Concerto pour piano (2011) accumulent les mêmes procédés, la monotone procession d’accords du Largo funebre rappelant vaguement le début du Deuxième Concerto de Rachmaninov et la jubilation de l’Allegro vivace final s’épuisant dans les facilités du folklorisme montagnard contre lesquelles, dès les années 1930, Szymanowski mettait en garde la jeune génération – elles n’en ont pas moins grandement contribué, avec Krzesany et Orawa, à faire de Kilar, en Pologne, un compositeur populaire. Les Concertos de Bartok sont tellement plus « modernes »… Cela dit, on ne peut que saluer l’engagement de l’excellente pianiste Beata Bilinska et de Robert Kabara.


Peut-être Kilar restera-t-il d’abord à travers ses musiques de films – il a évidemment collaboré avec des cinéastes polonais, tels Zanussi, Polanski, Wajda, mais aussi avec James Gray, Francis Coppola ou Jane Campion. On a, en tout cas, dignement fêté son anniversaire, en lui remettant la statuette de la muse d’or polonaise – récompense réservée, tous les deux ans, aux personnalités œuvrant en faveur de la promotion de la musique polonaise.


Gageons que le festival réservera, l’année prochaine, une place de choix à Witold Lutoslawski, né en 1913. Un centenaire qui remettra bien des pendules à l’heure.



Didier van Moere

 

 

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