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Exemplaire

Paris
Hôtel de Soubise (Cour de Guise)
07/24/2012 -  
Wolfgang Rihm : Drei Hölderlin Gedichte
Kaija Saariaho : Leino Songs
Claude Debussy : Fêtes galantes I
Kaikhosru Sorabji : Trois Poèmes: «Pantomime» et «Correspondances»
Francis Poulenc : Deux Poèmes de Louis Aragon, FP 122
Richard Strauss : Drei Lieder der Ophelia, opus 67 n° 1 à n° 3
George Crumb : Apparition

Raquel Camarinha (soprano), Satoshi Kubo (piano)


R. Camarinha


L’été ayant enfin daigné concéder un effort, les concerts du festival européen «Jeunes talents» en l’hôtel de Soubise (Archives nationales) peuvent se tenir dans leur lieu de prédilection, en plein air dans l’excellente acoustique de la cour de Guise. Raquel Camarinha (née en 1986) et Satoshi Kubo, tous deux passés par le Conservatoire national supérieur de musique de Paris, ont certes remporté l’an passé le premier prix de duo chant-piano du concours Nadia et Lili Boulanger, leur programme était certes stimulant, tant par sa rareté que sa cohérence, les conditions climatiques se présentaient certes sous les meilleurs auspices, mais rien ne laissait pourtant présager, sous l’œil du toujours vaillant Noël Lee, un moment aussi mémorable, exemplaire par son ambition comme par sa réalisation.


Car la soprano portugaise assume de la première à la dernière note un récital passablement périlleux et modérément vendeur avec une aisance, un naturel et un talent confondants, dans une entente parfaite avec le pianiste japonais, non moins excellent dans l’exécution comme dans la couleur et le style. Pour combien d’autres se lancer d’emblée dans un cycle de Rihm aurait-il été pure folie suicidaire? Toujours est-il que Raquel Camarinha aborde sans encombre les Trois Poèmes de Hölderlin (2004): voix bien placée, sûreté des attaques, homogénéité du timbre, justesse, tout concourt à mettre en valeur le somptueux académisme de cette musique qui semble prolonger le langage et l’atmosphère des lieder de jeunesse de Berg.


Compositeur invité de la douzième édition du festival, Kaija Saariaho est venue entendre ses Quatre Mélodies (2007) sur des poèmes d’Eino Leino (1878-1926): d’un caractère obsessionnel, incantatoire ou même hypnotique, plus expressif et extériorisé que chez Rihm, la voix est soutenue par un piano particulièrement chatoyant. Dans le premier recueil de Fêtes galantes (1892) de Debussy, la diction est exemplaire et l’osmose parfaite avec le genre si délicat de la mélodie française, dans le registre lyrique comme dans l’esprit ludique de «Scaramouche et Pulcinella». Pas de solution de continuité avec Sorabji, debussyste inattendu (avec toutefois une pincée de Scriabine): lui aussi a écrit des Fêtes galantes mais ce sont ici deux de ses Trois Poèmes (1918) de jeunesse, bien avant son vaste et mythique Opus clavicembalisticum, un Verlaine («Pantomime», qui sera bissé en fin de concert) et un Baudelaire («Correspondances»). Pour conclure cette étonnante première partie, le duo fait mouche aussi bien dans le charme nostalgique que dans l’ironie piquante des Deux Poèmes de Louis Aragon (1943) de Poulenc («C» et «Fêtes galantes»).


A la reprise, Raquel Camarinha stupéfie de nouveau par l’étendue de ses moyens techniques et sa sensibilité artistique dans un Strauss presque méconnaissable – celui des Trois Chants d’Ophélie (1918), qui forment la première moitié de son Opus 67 – faisant siennes l’étrangeté, la lividité, les ruptures de climat inhérentes à l’héroïne de Hamlet. La quatrième et dernière langue de ce programme est justement celle de Shakespeare, avec Apparition (1979) de Crumb, sous-titrée «chants élégiaques et vocalises sur des textes tirés de "Quand la dernière fois les lilas fleurirent dans le jardin" de Walt Whitman» mêlant étroitement deuil (à la mémoire de Lincoln) et espérance, l’identité entre le début et la fin suggérant un éternel recommencement. Mélodie de vaste proportions (20 minutes d’un seul tenant) structurée en six parties et trois vocalises virtuoses à la Berio (façon Sequenza III), l’œuvre est typique de la manière du compositeur américain, jouant avec parcimonie de toutes les ressources du piano (au-delà de son seul clavier) et prenant le temps d’installer des atmosphères contemplatives. Les interprètes captivent à chaque instant, mais la soirée bascule dans une magie irréelle qui n’aurait sans doute pas déplu à Crumb, écologiste avant la lettre, lorsque les mouettes, décidément fidèles au festival, engagent dans la première vocalise – intitulée, cela ne s’invente pas, «Summer Sounds» – un dialogue avec la jeune cantatrice qui peine, comme le public, à conserver son sérieux.


Le site de Raquel Camarinha



Simon Corley

 

 

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