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Prima le parole Aix-en-Provence Théâtre du Jeu de paume 07/06/2012 - 8, 11, 14, 17, 18, 20, 22 juillet 2012 Maurice Ravel : L’Enfant et les sortilèges
Chloé Briot (L’Enfant), Mercedes Arcuri (Le Feu/Le Rossignol), Clémence Tilquin (La Princesse/La Chauve-Souris/La Pastourelle), Majdouline Zerari (La Chatte/L’Ecureuil/La Bergère), Eve-Maud Hubeaux (Maman/La Tasse chinoise/La Libellule), Valerio Contaldo (La Théière/Le Petit Vieillard/La rainette), Guillaume Andrieux (L’Horloge/Le Chat), Jean-Gabriel Saint-Martin (Le Fauteuil/Le Chêne)
Anne-Lise Teruel (flûte), William Imbert (violoncelle), Michalis Boliakis (piano), Didier Puntos (piano et direction musicale)
Arnaud Meunier (mise en scène), Damien Caille-Perret (décors), Anne Autran (costumes), Philippe Berthomé (lumière)
(© Patrick Berger/ArtComArt)
Prima le parole, telle pourrait être l’enseigne de cette édition 2012 du festival d’Aix-en-Provence, tant il est vrai que l’intelligibilité du texte chanté distingue autant David et Jonathas que Written on Skin, et à titre exemplaire cette version chambriste de L’Enfant et les sortilèges que Didier Puntos a réalisée il y a une vingtaine d’années pour l’Atelier de l’Opéra de Lyon, entrée depuis au répertoire et qui revient aujourd’hui à Aix-en-Provence dans une nouvelle coproduction avec l’Académie européenne de musique qu’héberge le festival, confirmant sa légitime destination pour de jeunes chanteurs.
Le pianiste français a réduit la partition chamarrée de Ravel pour quatre instrumentistes – piano à quatre mains, flûte et violoncelle. La gageure était de compenser la condensation des couleurs orchestrales, que l’arrangement relève en exploitant les textures et les retranchements des tessitures de l’effectif choisi. Si l’on sacrifie une certaine immédiateté sonore, le résultat présente l’intérêt d’éclairer les continuités qui relient l’ouvrage à l’ensemble de la production du compositeur français – les rythmes, dans leur délicat balancement, entre retenue et discrète mélancolie, s’apparentent plus d’une fois aux Valses nobles et sentimentales.
Mais surtout, l’économie du tissu musical favorise la lisibilité du texte, et l’ensemble du plateau vocal en tire admirablement parti – les protagonistes qui avaient déjà œuvré aux représentations lyonnaises de mai dernier semblent même avoir progressé, portés qu’ils sont sans doute par une plus grande concentration dramaturgique du spectacle. Celui qu’Arnaud Meunier a conçu baigne dans un onirisme assez littéral, idéalement adapté aux dimensions du Théâtre du Jeu de Paume, permettant de plonger dans des éclairages très focalisés – en particulier le début où l’Enfant paraît comme éclairé à la bougie, tel un petit voyou rétif à ses devoirs. Si elle épouse d’un peu près la lâcheté de la progression narrative du livret de Colette, lequel se prélasse dans une délicieuse poésie, la mise en scène sait trouver les justes procédés pour rendre les ellipses et les évocations de celui-ci, telle la lumière pour suggérer le retour de la mère que l’ouvrage n’explicite pas musicalement, si ce n’est par l’appel de l’Enfant.
Chloé Briot l’incarne d’ailleurs de merveilleuse manière, pleine de douce espièglerie aux craintives ressources, sans exagérer la jeunesse du personnage, tout en équilibrant sa puérile et universelle ambiguïté de genre. Feu puis Rossignol, Mercedes Arcuri pétille de vitalité, tandis que Clémence Tilquin charme en Princesse, Chauve-Souris et Pastourelle. Ancienne pensionnaire de l’Académie entendue dans la cité des Gaules, Majdouline Zerari s’acquitte sans pâlir des apparitions de la Chatte, de l’Ecureuil et de la Bergère, quand Eve-Maud Hubeaux affirme une raideur un peu compassée dans le rôle de Maman, trahissant une affabulation enfantine, qui s’efface lorsqu’elle devient Tasse chinoise et Libellule. Valerio Contaldo, successivement Théière, Petit Vieillard et Rainette, se montre fort convenable. Jean-Gabriel Saint-Martin troque l’Horloge et le Chat – de Lyon – pour le Fauteuil et le Chêne, qu’il délègue ici à Guillaume Andrieux, Paul des Enfants terribles de Glass à Bordeaux en novembre dernier que nous retrouvons ici avec plaisir.
On ne manquera pas de saluer les quatre instrumentistes, Anne-Lise Teruel à la flûte, William Imbert au violoncelle, Didier Puntos et Michalis Boliakis au piano, contribuant à la magie de ces cinquante minutes, habitées d’une subtile transparence.
Gilles Charlassier
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