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Austère et généreux Charpentier

Aix-en-Provence
Théâtre de l’Archevêché
07/06/2012 -  et 9, 11, 13, 16, 19 juillet 2012
Marc-Antoine Charpentier : David et Jonathas, H. 490

Pascal Charbonneau (David), Ana Quintans (Jonathas), Neal Davies (Saül), Frédéric Caton (Achis), Kresimir Spicer (Joabel), Dominique Visse (La Pythonisse), Pierre Bessière (L’Ombre de Samuel), Arnaud Richard (Un Guerrier), Elodie Fonnard, Virginie Thomas, Violaine Lucas (Trois Bergers), Rachel Redmond, Maud Gnidzaz, Benjamin Alunni (Captifs), Reinoud Van Mechelen (Captifs/Un de la suite de David), Geoffroy Buffière (Un de la suite de Jonathas), Maxime Castello/Gabriel Di Giorgio (David enfant), Teyssir Aissi/Stefano Sojae (Jonathas enfant)
Les Arts Florissants, William Christie (direction musicale)
Andreas Homoki (mise en scène), Paul Zoller (scénographie), Gideon Davey (costumes), Franck Evin (lumière)


(© Pascal Victor/ArtComArt)


Œuvre à part dans l’histoire de l’opéra français, si ce n’est dans le paysage lyrique tout court, David et Jonathas a été créé pour le collège jésuite Louis-le-Grand dans une distribution entièrement masculine. Condensant les récitatifs et les digressions galantes, la tragédie lyrique de Charpentier fait l’économie des machines affectionnées par le répertoire baroque. Il n’est donc guère surprenant que la mise en scène d’un tel ouvrage prenne des atours plutôt austères.


Paul Zeller a imaginé un décor unique, sorte de lucarne cinématographique malléable comme les différentes topographies qu’elle suggère, et usant habilement des contraintes du large mais peu profond plateau de l’Archevêché – à l’instar de ce que Christof Loy avait fait pour l’Alceste présenté en ces murs il y a deux ans: le procédé ne se distingue pas par sa nouveauté. La monochromie boisée un peu rustre évoque sans doute la simplicité d’une société restreinte minée par des guerres fratricides – ce n’est sans doute pas un hasard si la parenté avec le conflit israélo-palestinien se trouve ainsi aiguillonnée. La circulation des signes identitaires des deux groupes appuie efficacement la progression dramatique. Mais l’abus de tombés de rideau auquel recourt Andreas Homoki pour y insérer des flash-back sur l’enfance des deux héros, interprétée par deux juvéniles figurants, segmente la continuité musicale et brouille la structuration formelle, au profit d’un séquencement théâtral confinant à une picturalité statique, sensible surtout dans la première partie, qui se referme sur le Prologue, et donc la reprise de l’Ouverture. Si l’idée ne se justifie pas autant que les intentions tentent de le défendre, elle présente l’avantage de donner in extremis à l’ensemble une cohérence architecturale appréciable – davantage au fond que les insertions narratives. Symptomatiquement, les deux derniers actes, subissant moins le découpage visuel, gagnent en fluidité, ce qui ne pénalise nullement les sublimités qu’ils recèlent – la mort de Jonathas et la déploration de David sont un sommet du genre.


Inégal du point de vue de la ligne, Pascal Charbonneau compose un David sincèrement engagé, à la couleur idiomatique pour le rôle. Ana Quintans ne séduit pas moins en Jonathas, quoique plus en réserve. Le conflit de souverains est relevé avec efficacité par Neal Davies, Saül, et Frédéric Caton, Achis, quand Dominique Visse témoigne de son incroyable tempérament théâtral en Pythonisse, masquant sans peine les stigmates de l’âge sur un instrument qui ne semble point les connaître. On retrouve en Joabel Kresimir Spicer, peut-être moins à l’aise que dans l’Orlando plus lyrique de Haydn (voir ici), mais qui sait exprimer toute la rudesse du personnage. L’Ombre de Samuel est chantée honorablement par Pierre Bessière.


Probable signe de la maturité, William Christie laisse généreusement s’épanouir les sonorités des Arts Florissants, donnant à l’orchestre une belle onctuosité qui n’obère jamais la remarquable clarté de diction de l’ensemble des interprètes, et en premier lieu du chœur dont se détachent certains artistes pour compléter la palette de bergers, captifs et guerriers qui étoffent l’arrière-plan de cette œuvre presque intimiste.



Gilles Charlassier

 

 

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