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Une étoile passe Strasbourg Opéra national du Rhin 06/19/2012 - Lieder et Mélodies de Purcell, Berlioz, Schubert, Schumann, Tchaïkovsky, Duparc, Wolf, Poulenc, Horovitz, Messager, Porter, Sondheim et Moore. Susan Graham (mezzo-soprano), Malcolm Martineau (piano) S. Graham
Susan Graham est une immense artiste. Cela dit on continue à ne pas voir en elle une récitaliste tout à fait orthodoxe. Du moins dans l’acception courante du terme : une dame plantée devant un piano, qui vous invite à découvrir pieusement quelques merveilles du lied ou de la mélodie, demi-teintes poétiques détaillées dans une ambiance compassée où l’on entend les mouches voler voire où l’on peut surprendre son voisin en proie à un relatif assoupissement...
Quelque part Susan Graham n’est pas à l’aise dans le cadre, même si elle fait des efforts désespérés pour s’y donner une contenance, très digne dans sa sobre robe blanche toute droite de première partie, accompagnée par un Malcolm Martineau irréprochable mais qui vous joue tout pareil. Le programme choisi n’aide pas : un Purcell long et raide et ensuite un Mignon de Goethe qui défile dans plusieurs langues, traité par quelques très grands noms du lied et de la mélodie mais à raison d’une pièce par compositeur seulement, ce qui ne laisse jamais le temps à un vrai climat de s’installer. Si ce n’est toujours cette impression tenace d’assister à un récital suranné, un peu caricatural comme certaines de ces soirées new-yorkaises du Lincoln Center si curieusement... provinciales.
Méchant ? Certes. On a toujours adoré Susan Graham. On ne va certainement pas revenir là-dessus. Et son Tchaïkovsky est une splendeur. Et son Wolf très opératique voire tristanesque une merveille de beau chant. Mais quel soulagement de voir apparaître en seconde partie une diva métamorphosée, déhanchée dans un fourreau asymétrique largement fendu, avec un air canaille qui promet. Pourtant le propos reste en apparence sérieux, notamment dans de merveilleuses Fiançailles pour rire de Poulenc (sur des poèmes de Louise de Vilmorin... pas drôles du tout) où dans l’étonnante scène Lady Macbeth de Joseph Horovitz. La palette expressive paraît désormais beaucoup plus riche et variée et cette fois tout fonctionne : le chic, l’inattendu, la rouerie d’un timbre qui se fait complice... Et on marche, y compris même dans l’impayable Sexy Lady, écrit tout exprès pour Susan Graham, délectable moment où une mezzo lasse de ses sempiternels « Hosenrollen » règle ses comptes avec la monotonie de sa carrière, sur un ton d’une inimitable familiarité américaine. Où encore dans l’étourdissant The Boy From de Stephen Sondheim, miniature signée par un musicien décidément prodigieux.
Encore quelques bis, dont un nécessaire et toujours efficace A Chloris de Reynaldo Hahn et puis la diva et son accompagnateur impeccable s’en vont. Mission accomplie, le récital est terminé. Pourquoi donc, dès lors, entretenir sans utilité l’impression qu’on aurait pu en espérer davantage ?
Laurent Barthel
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