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Un Don Giovanni sauvé par les voix

Bordeaux
Opéra
06/13/2012 -  15, 18, 22*, 24 juin 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Teddy Tahu Rhodes (Don Giovanni), Jacquelyn Wagner (Donna Anna), Ben Johnson (Don Ottavio), Eric-Martin Bonnet (Le Commandeur), Mireille Delunsch (Donna Elvira), Kostas Smoriganas (Leporello), Sébastien Parotte (Masetto), Kathouna Gadelia (Zerlina)
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, Alexander Martin (direction des chœurs), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Mikhail Tatarnikov (direction musicale)
Laurent Laffargue (mise en scène), Philippe Casaban & Eric Charbeau (décors), Hervé Poeydomenge (costumes), Patrice Trottier (lumières)


K. Smoriganas, T. T. Rhodes, M. Delunsch
(© Opéra national de Bordeaux)



En alternance avec une nouvelle production des Noces de Figaro, l’Opéra de Bordeaux remonte le Don Giovanni qui avait ouvert la saison 2002-2003. Les deux ouvrages ont aussi en commun d’avoir été confiés au même metteur en scène: Laurent Laffargue.


Sa lecture du chef d’œuvre de Mozart avait défrayé la chronique lors de sa création; il est vrai qu’elle vaut son pesant de cacahouètes... Transposée dans l’Italie fasciste des années vingt, la production met en exergue un Don Juan puéril et violent, consumant son existence à toute vitesse et à la limite de la folie. La proposition n’est pas inintéressante, mais elle est bien souvent phagocytée par des images incongrues qui n’emmènent rien, si ce n’est de déclencher l’hilarité du public. Ainsi, Leporello et Don Juan passent le plus clair de leur temps à jouer à des jeux enfantins: bilboquet, voiture télécommandée, cheval de bois, balançoire ou autre tourniquet. Mieux, ils se déguisent en drag-queens à la fin du I (perruques peroxydées, bas résilles, bottes cirées rouge-sang…) et sniffent des lignes de coke. La scène finale du II troque le Commandeur contre une femme nue (tandis qu’on entend sa voix provenant des coulisses et amplifiée par un micro), histoire de bien appuyer l’idée que c’est son goût immodéré pour la gent féminine qui entraîne sa perte. Enfin, gommant l’aspect métaphysique du châtiment final, il se suicide en se tirant une balle dans la bouche, la morale finale (et le superbe sextuor) passant ainsi à la trappe...


Vocalement, on est un peu plus à la fête, notamment grâce à un Teddy Tahu Rhodes qui incarne un impressionnant Don Giovanni – du haut de ses deux mètres et sa musculature saillante –, avec une force de conviction peu commune et une aisance scénique confondante. L’acteur concilie un charme ravageur, les brusques explosions d’un bouffe sarcastique et un inquiétant et fatal appétit de chair. La voix est centrée sur les graves: elle séduit moins dans une Sérénade très appuyée et qui peine aux raffinements de la ligne et des piani. Leporello trouve dans les moyens du baryton-basse lithuanien Kostas Smoriginas un chanteur convaincant, parfaitement maître du discours mozartien et soucieux de cantabile. Le Don Ottavio du ténor britannique Ben Johnson possède un magnifique timbre, d’une grande souplesse, et gratifie l’auditoire de phrasés toujours soignés. Son inépuisable souffle fait merveille dans le célèbre «Il mio tesoro intanto».


Grâce au chef, Mireille Delunsch (Donna Elvira) peut exprimer sa souffrance avec fougue dans «Ah, chi mi dice mai», mais, dans la douloureuse confession de «Mi tradi», la voix et le technique accusent un déclin frappant, avec des aigus métalliques et stridents. Jacquelyn Wagner (Donna Anna) impressionne par l’autorité et la puissance d’un aigu très sûr et percutant, négociant brillamment les vocalises du «Non mi dir», personnage plus froid pourtant, qui ne touche pas vraiment. Satisfaction complète avec la Zerlina ravissante et maligne de Khatouna Gadelia, dont la voix fraîche et fruitée tranche avec une certaine tradition confiant le rôle à des mezzos. Sébastien Parotte est un persuasif Masetto tandis qu’Eric Martin-Bonnet – grand habitué des lieux – s’avère un solide Commandeur.


Le jeune chef russe Mikhail Tatarnikov empoigne l’ensemble d’une main de fer, avec une inépuisable énergie et une grande efficacité. La mise en place est parfaite, même si le tempo, souvent très rapide, contraint visiblement les chanteurs.



Emmanuel Andrieu

 

 

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