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Manifeste: le temps de l’académie

Paris
IRCAM (Espace de projection)
06/22/2012 -  
Thomas Adès : Arcadiana, opus 12
György Kurtág : Hommage à Mihály András, opus 13
Giovanni Bertelli: Libro d’Aprile (création) [1]
Jonathan Harvey : Quatuor n° 4 [2]

Quatuor Arditti: Irvine Arditti, Ashot Sarkissjan (violon), Ralph Ehlers (alto), Lucas Fels (violoncelle)
Ircam/Giovanni Bertelli [1], Gilbert Nouno [2] (réalisation informatique musicale), Ircam/Eric Daubresse [1] (encadrement pédagogique)


Le Quatuor Arditti (© Astrid Karger)


Agora est mort, vive Manifeste! Le festival de l’IRCAM n’a pas seulement changé de nom, mais, s’associant au centre Acanthes, a pris une autre dimension et se déroule désormais en deux temps, le festival proprement dit, du 1er au 17 juin, puis une académie, du 18 juin au 1er juillet, au menu aussi copieux que varié: conférences, rencontre, table ronde, atelier-concert, spectacles de théâtre et de danse, créations de l’atelier de composition, classes de maître et, bien sûr, concerts, dont celui du Quatuor Arditti, fidèle de longue date. Intitulé «Au loin», le programme s’intéresse à l’une des constantes de l’art, même le plus avant-gardiste qui soit: son rapport avec le passé.


En présence du compositeur, c’est d’abord Arcadiana (1994) de Thomas Adès, coup d’essai – seize ans avant The Four Quarters – en même temps que coup de maître de l’Anglais, alors seulement âgé de 23 ans. Les sept brefs mouvements, d’une durée totale d’une vingtaine de minutes, sont structurés en arche autour du quatrième («Et... (tango mortale)», référence implicite à cette Arcadie qui donne son titre à la partition), sommet d’intensité sonore, et leurs intitulés trahissent des références aussi bien à la musique (Mozart dans «Das klinget so herrlich, das klinget so schön», Schubert dans «Auf dem Wasser zu singen» mais aussi Elgar) qu’à la peinture (Poussin, Watteau). Entre effets spéciaux, détournement des formes, mécaniques détraquées et allusions grinçantes, cet univers ironique et mélancolique, inquiétant et onirique, qui s’évanouit progressivement dans un impressionnant anéantissement final («Lethe»), s’inscrit dans un postmodernisme décomplexé mais qui, encore moins sous les archets des Arditti, ne laisse pas tenter par de compromettantes régressions. Le deuxième des quatre Quatuors de Kurtág, Hommage à Mihály András (1978), est également placé sous le signe de la référence et de la concision. Ces «douze microludes» (sous-titre de l’oeuvre) écrits en remerciement au violoncelliste, chef d’orchestre et compositeur András Mihály (1917-1993), vont même au-delà d’Adès en ce sens, puisqu’ils durent à peine 10 minutes: le rapprochement est inattendu, mais les Arditti le rendent d’une convaincante pertinence.


La création de Libro d’Aprile de Giovanni Bertelli (né en 1980), conçu dans le cadre de «Cursus 2» de l’IRCAM avec le concours du réalisateur en informatique musicale Eric Daubresse, déçoit quelque peu. Faisant suite à un Libro d’inverno, à un Libro d’estate et à un Libro d’autunno, cette nouvelle oeuvre rompt une trop prévisible série vivaldienne en préférant le mois d’avril au printemps attendu, la majuscule à «Aprile» laissant par ailleurs supposer qu’il ne s’agit pas nécessairement du mois d’avril mais d’un Aprile qui aurait écrit ou posséderait le livre en question. Le compositeur italien n’est pas avare de concepts – «Dans mon écriture [...], la figure musicale, le geste musical est, certes, le résultat d’un acte d’écriture, mais tout à la fois un objet permanent, qui existe indépendamment de moi et de ma musique» – et renvoie dans son commentaire, par une étrange coïncidence, à Watteau, comme Adès. Mais le résultat n’est guère probant: durant ces près de 20 minutes d’un seul tenant, c’est une succession d’effets de sonorisation, de spatialisation et d’électronique déjà moult fois entendus, sans véritable articulation avec les instruments du quatuor, menant toutefois à une conclusion «new age» plus poétique, la scène étant progressivement plongée dans le noir.


Tout le contraire du Quatrième Quatuor (2003), dernier à ce jour, de Jonathan Harvey (né en 1939), une des grandes réussites dans le domaine du quatuor et de l’électronique, celle-ci parfaitement intégrée, prolongement et ombre des cordes par de subtils procédés de transformation en temps réel. Bien que presque deux fois plus long que celui de Bertelli, il en paraîtrait presque deux fois plus court: quatre de ses cinq mouvements («cycles») obéissent à la même progression, partant du bruitage du crin des archets pour aboutir, via des pages de caractère polyphonique, plus agité et virtuose, jusqu’à un point culminant, la montée vers la lumière du dernier cycle étant à cet égard particulièrement saisissante. Créateur de tous les Quatuors de Harvey (et dédicataire des Deuxième et Quatrième), qu’il a enregistrés pour aeon, le Quatuor Arditti offre ainsi une précieuse occasion d’entendre dans les meilleures conditions qui soient ce moment important de l’histoire récente du genre.


Le site du Quatuor Arditti
Le site de Thomas Adès



Simon Corley

 

 

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