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Coup de poker gagnant pour un départ

Zurich
Opernhaus
06/16/2012 -  et 19, 23, 26, 28 juin, 1er, 5 juillet 2012
Paul Hindemith: Mathis der Maler
Emily Magee (Ursula), Sandra Trattnigg (Regina), Stefania Kaluza (Gräfin Helfenstein), Thomas Hampson (Mathis, der Maler), Reinaldo Macias (Albrecht von Brandenburg), Andreas Hörl (Lorenz von Pommersfelden), Benjamin Bernheim (Walter Capito), Gregory Reinhart (Riedinger), Erin Caves (Hans Schwalb), Tomasz Slawinski (Truchsess von Waldburg), Peter Straka (Sylvester von Schaumberg), Patrick Vogel (Der Pfeifer des Grafen von Helfenstein)

Chor der Oper Zürich, Jürg Hämmerli (préparation), Orchester der Oper Zürich, Daniele Gatti (direction musicale)
Matthias Hartmann (mise en scène), Claudia Blersch (assistante à la mise en scène), Johannes Schütz (décors), Victoria Behr (costumes), Jürgen Hoffmann (lumières), Andi A. Müller (vidéo), Michael Küster (dramaturgie)


(© Suzanne Schwiertz)


Une page se tourne à Zurich. Après avoir tenu les rênes de l’Opernhaus pendant 21 ans, Alexander Pereira dirigera désormais le Festival de Salzbourg. Le travail qu’il a accompli en Suisse est impressionnant: avec une quinzaine de nouvelles productions par saison, l’Opernhaus est devenu, sous sa houlette, le théâtre lyrique le plus créatif et le plus productif de la planète, loin devant le Met, Covent Garden ou l’Opéra de Paris. Zurich détient aussi le record des captations DVD. Cette abondance de spectacles a été rendue possible grâce notamment au sens aigu des contacts et du marketing du directeur en partance, qui a réussi à faire exploser les contributions des sponsors et des mécènes, empochant lui-même au passage 10% des sommes récoltées sans que les Zurichois s’en offusquent. Alexander Pereira a exhumé de nombreuses raretés, dont plusieurs opéras français rarement à l’affiche dans l’Hexagone (Clari, Benvenuto Cellini, Les Boréades, Don Quichotte, La Juive, Le Cid ou encore Les Pêcheurs de perles, pour ne prendre que des exemples récents). La qualité des représentations a certes été très inégale, mais peut-il en aller autrement dans un théâtre qui ouvre ses portes quasiment tous les soirs? Quoi qu’il en soit, le directeur est très fier de n’avoir jamais dû annuler, en 21 ans, la moindre représentation. Andreas Homoki, en provenance de la Komische Oper de Berlin, sait que la succession ne sera pas facile. Après avoir rencontré les personnels de l’Opernhaus, le futur directeur a décidé de réduire le nombre des nouvelles productions, estimant que le théâtre n’avait pas les moyens nécessaires, en termes de ressources humaines, pour absorber autant de spectacles. Pour sa première saison zurichoise, il mettra lui-même en scène deux ouvrages.


Pour ses adieux à Zurich, Alexander Pereira a décidé de programmer Mathis le Peintre de Paul Hindemith, une œuvre que les Parisiens ont pu découvrir en fin d’année 2010. Ce choix ne doit rien au hasard: l’ouvrage a été créé à Zurich en 1938. Le sujet de l’opéra est aussi symbolique, puisqu’il est question du rôle et de la place de l’artiste dans la société ainsi que de sa responsabilité dans les moments de troubles politiques. Le directeur a eu fin nez, ce dernier spectacle restera très certainement comme l’une des plus belles réussites de son long mandat zurichois. Composé entre 1932 et 1935, Mathis der Maler est intimement lié aux turbulences de son époque. La figure centrale de l’opéra est le peintre Matthias Grünewald (1470/75-1528), créateur du célèbre retable d’Issenheim, aujourd’hui visible à Colmar. Les tensions religieuses et la révolte des paysans du début du XVIe siècle sont le miroir de l’Allemagne d’avant la Seconde Guerre mondiale. En 1933, l’éditeur d’Hindemith apprend au compositeur que la moitié de ses partitions ont été interdites par le régime nazi, qui les juge «bolchéviques». Le musicien ne reçoit dès lors plus aucune commande ni invitation et les concerts déjà fixés sont annulés. Il ne lui reste plus qu’à prendre le chemin de l’exil, ce qui explique pourquoi Mathis le Peintre a vu le jour à Zurich.


Dans ce contexte, il aurait été facile de montrer des soldats SS brûlant des livres, mais le metteur en scène n’en a eu cure. Jugeant que les questions posées par Mathis le Peintre gardent toute leur pertinence à notre époque, Matthias Hartmann, directeur du Burgtheater de Vienne, a préféré concevoir un spectacle intemporel, dans un dispositif scénique sobre et austère (une paroi noire en demi-cercle et un plancher blanc), qui contraste avec les couleurs vives de costumes ne se rattachant, eux non plus, à aucune époque précise. Dans un tel dépouillement scénique, la fin de l’ouvrage, lorsque Mathis décide d’abandonner la peinture et de se retirer du monde, acquiert une charge émotionnelle particulièrement forte. Pour ses débuts dans le rôle-titre (un emploi écrasant), Thomas Hampson convainc sur toute la ligne, avec la beauté de son timbre, la perfection de sa diction et la force de son incarnation, qui laisse clairement entrevoir les doutes et les contradictions d’un personnage particulièrement tourmenté et torturé. Son Mathis est distant, désabusé et résigné, tout le contraire d’un artiste combatif. Le célèbre baryton américain, un fidèle de l’Opernhaus, peut compter sur une distribution sans faille, de laquelle se détachent l’Ursula d’Emily Magee, la Regina de Sandra Trattnigg, le Cardinal de Reinaldo Macias et le Capito de Benjamin Bernheim. Le chef Daniele Gatti est un familier des partitions d’Hindemith. Sa lecture de Mathis der Maler est opulente et massive, cédant à une certaine «wagnérisation» au détriment de la tension dramatique, mais elle n’en permet pas moins d’apprécier toutes les richesses d’une partition qui n’en manque pas.



Claudio Poloni

 

 

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