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Babylone en concert

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
05/24/2012 -  et 25 mai* 2012
Edward Elgar : Concerto pour violon et orchestre, opus 61
William Walton : Belshazzar’s Feast

Renaud Capuçon (violon), Matthew Brook (baryton)
Chœur de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, John Nelson (direction)


J. Nelson (© Marco Borggreve)

« Attention, vous allez en prendre plein les oreilles » prévient gentiment Catherine Bolzinger en aparté, avant de s’asseoir dans le public pendant que « son » chœur prend place sur les gradins derrière l’orchestre. Et effectivement, entendu d’une huitième rangée de fauteuils, Belshazzar’s Feast de Walton, ça décoiffe ! Le compositeur n’a pas lésiné sur les moyens : masse chorale imposante, orchestre de grand format flanqué à droite et à gauche par de nombreux cuivres surnuméraires... l’ambiance est ouvertement babylonienne. Ce qui nous avait d'ailleurs toujours échappé, la plupart des enregistrements discographiques disponibles aplatissant les perspectives et affadissant beaucoup les contours de cette fresque dont on ne soupçonnait pas la violence colorée. Magnifique, même si on en prend plein les tympans, et aussi spectaculaire qu’une superproduction hollywoodienne, le kitsch en moins.


L’ambiance n’est ni aux raffinements ni à la transparence (à l’exception des mesures initiales pour chœur d’hommes, particulièrement exposées, dont les amateurs de haut niveau du Chœur de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg se dépêtrent assez bien) et John Nelson privilégie surtout l’impact immédiat de l’œuvre, avec raison. Tout se met en place avec naturel et le travail de fond intense qu’a dû nécessiter la préparation d’une partition aussi riche se fait oublier. Au premier plan le baryton Matthew Brook en fait beaucoup, assumant son rôle de récitant chanté avec force gestes théâtraux, qui lui permettent de s’imposer à défaut d’une voix particulièrement agréable. En tout cas la force et l’intelligibilité de sa narration sont percutants et c’est ce qui importe le plus dans ces passages courts mais essentiels pour structurer dramatiquement ce Belshazzar’s Feast que l’on prend finalement là, au plexus. On est bien loin ici de l’image compassée et anecdotique laissée par beaucoup de musiques anglaises et il faut chaleureusement remercier John Nelson et Catherine Bolzinger pour cette révélation.


En première partie le Concerto pour violon d’Elgar sonne nettement plus « british », au sens parfois péjoratif du terme. Cette partition fleuve, l’une des plus sinueuses d’Elgar, nécessite une véritable familiarité avec ses méandres et même après des écoutes répétées force est d’avouer qu’à certains moments on se surprend encore à penser à tout autre chose qu’à ce pauvre soliste embarqué dans des traits qui n’en finissent plus. Dans cet emploi difficile de héros de roman aux états d’âme bavards Renaud Capuçon paraît globalement convaincant, techniquement sûr et lisible, encore que parfois en deçà de la puissance requise. Concédons lui en tout cas une véritable aptitude à recapter l’attention lorsque celle-ci à tendance à s’évader, grâce à une musicalité qu’il parvient toujours à préserver même quand la surcharge en notes de sa partition, prudemment ouverte devant lui, devient vraiment lourde. Accompagnement toujours vigilant de John Nelson, qui sait aussi favoriser les prises de parole de l’orchestre quand c’est nécessaire, avec de nombreux passages d’un romantisme expressif très original. Et en bis (généreux après une telle œuvre) toujours la même transcription de l’Orfeo de Gluck par Kreisler (sans son accompagnement pianistique) où Renaud Capuçon peut se livrer à son habituelle démonstration de sons filés, bizarre exercice de « non-phrasé » que toutes les salles de concert où il passe finiront par connaître.



Laurent Barthel

 

 

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