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Contre-Ring

Paris
Athénée – Théâtre Louis-Jouvet
05/02/2012 -  et 3, 4, 10, 11* mai 2012
«Nietzsche/Wagner: Le Ring»

Muriel Ferraro (Brünnhilde), Paul Gaugler (Siegfried), Aurélien Pernay (Wotan), François Clavier (Nietzsche)
Orchestre Lamoureux, Dominique Debart (direction musicale)
Alain Bézu (mise en scène), Joseph Danan (dramaturgie), Marc Delamézière (lumières), Laurent Mathieu (vidéo), Mylène Berthaume (assistante à la mise en scène, scénographie, costumes)


P. Gaugler (© Mylène Berthaume)


«Coréalisateur» de «Nietzsche/Wagner: Le Ring», une coproduction associant La Gestion des Spectacles, l’Orchestre Lamoureux et l’Opéra de Reims (où elle a été créée en décembre 2010), l’Athénée l’accueille à Paris pour cinq représentations. Après «Ring Saga» en tournée l’automne dernier, voici donc un autre «Ring de poche»: celui-ci est encore plus condensé, car ses deux heures et demie (en deux parties séparées par un entracte) incluent – on s’en doute au vu du titre – différents textes de Nietzsche, au demeurant pas nécessairement relatifs à la Tétralogie ou même à Wagner.


De la musique, il ne reste essentiellement que des airs et duos, dans l’ordre du déroulement des quatre opéras: extraits des scènes entre Wotan et Brünnhilde aux deuxième et troisième actes de La Walkyrie, «Murmures de la forêt» du deuxième acte puis duo entre Wotan et Siegfried et un extrait du duo entre ce dernier et Brünnhilde au troisième acte de Siegfried, extrait du duo du Prologue, puis récit et mort de Siegfried et extrait de la scène finale de Brünnhilde du troisième acte du Crépuscule des dieux. Quelques pages purement instrumentales précèdent – transition entre les deux premières scènes de L’Or du Rhin, que le chef fait mine de faire répéter par ses musiciens –, s’insèrent – Prologue du Crépuscule – ou concluent – une jonction inattendue entre le Prélude intégral de L’Or du Rhin et les dernières mesures du Crépuscule.


De l’orchestre wagnérien, il ne reste que vingt-et-un musiciens (dont douze cordes) «en formation Siegfried-Idyll» – à peu près, car on compte également un tuba et des percussions (timbales, cymbale suspendue). A l’impossible nul n’est tenu: les arrangements de Cyrille Aufort (né en 1974) ne peuvent évidemment rivaliser avec l’instrumentation originale – difficile, en outre, de se faire au réveil de Brünnhilde sans les harpes – d’autant que la prestation de l’Orchestre Lamoureux, nonobstant la direction imaginative de Dominique Debart, n’évite pas toujours l’écueil du kiosque à musique – le but n’est pourtant pas d’imiter Hindemith dans sa parodique Ouverture du «Vaisseau fantôme», telle qu’un mauvais orchestre de casino la déchiffre le matin, à sept heures, autour d’une fontaine.


Pour ce qui est de persifler, on peut en revanche compter sur les vacheries cinglantes (et souvent de mauvaise foi) de Nietzsche, qui, par la voix d’un comédien, commente, voire interrompt la répétition à laquelle le spectateur est censé assister – le spectacle commence alors que les lumières ne sont pas encore éteintes dans la salle. L’intention affichée par le metteur en scène Alain Bézu et le dramaturge Joseph Danan est également iconoclaste: une relecture nietzschéenne de la Tétralogie, au demeurant plus conforme au projet originel de Wagner dont le héros ne serait plus Wotan, héros schopenhauerien courant à sa perte, mais le surhomme Siegfried, destiné à sauver le monde. Incarnant le philosophe, François Clavier se fait ainsi lui-même metteur en scène, donnant la réplique à Siegfried ou lui suggérant même des indications de jeu.


La scénographie de Mylène Berthaume occupe sobrement le plateau: longue table étroite, à laquelle s’assied Wotan pour exprimer ses tourments puis sur laquelle repose Brünnhilde dans son sommeil. La scène est dominée par un grand cercle où se succèdent effets de couleurs (façon écran de veille) et évocations moins abstraites (corbeaux de Wotan, œil du dragon), tandis que les images projetées un rideau transparent placé à l’avant-scène permettent de suggérer la forêt de Siegfried. Les accessoires incontournables du mythe (lance de Wotan, épée et cor de Siegfried) sont bien présents mais il ne faut pas se fier aux apparences: jusqu’aux sous-titres qui cultivent une sorte de distance tour à tour amusée ou triviale, la féroce ironie nietzschéenne est à l’œuvre dans ce «contre-Ring». C’est le cas lorsqu’apparaît sur l’écran circulaire une vidéo complètement décalée de Laurent Mathieu, résumé filmé de l’action du premier acte du Crépuscule où se mêlent esthétique du roman-photo et personnages (Hagen, Gunther et Gutrune) sortis d’Orange mécanique – l’effet est d’autant plus étrange que le silence se fait et que Siegfried, tout au long de sa diffusion, reste seul sur scène face au public.


Les costumes, également signés de Mylène Berthaume, contribuent également à cette entreprise de subversion: si certains campent immédiatement la vision traditionnelle des personnages (long manteau de Wotan, armure et casque de Brünnhilde), d’autres sont franchement plus inhabituels. On sourit devant ce Wotan en Wanderer ressemblant à l’abbé Pierre de l’hiver 1954, ou ce Siegfried particulièrement benêt avec sa chemise à carreaux (qui échoit ensuite à Brünnhilde): autant d’échos à la dérision et à l’ironie dont fait preuve l’auteur du Cas Wagner à l’endroit de celui dont il avait été le défenseur zélé dix ans durant. Même la distribution semble également consacrer le renversement des rôles, car face à un Wotan totalement calamiteux la Brünnhilde fiable mais sans charme particulier de Muriel Ferraro et, plus encore, le Siegfried solide et musical de Paul Gaugler, déjà remarqué dans Katia Kabanová aux Bouffes du Nord en janvier dernier, n’ont pas de mal à s’imposer.


Le site de La Gestion des Spectacles
Le site de Paul Gaugler
Le site d’Aurélien Pernay



Simon Corley

 

 

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