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Dénominateur commun

Bruxelles
Bozar, Salle Henry Le Bœuf
05/03/2012 -  et 2 (Paris), 8 (London) mai 2012
Béla Bartók : Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz. 106 – Concerto pour violon n°2, Sz. 112
Karol Szymanowski : Symphonie n°3 «Piesn o nocy», opus 27

Nikolaj Znaider (violon), Steve Davislim (ténor)
London Symphony Chorus, Roger Sayer (chef de chœur), London Symphony Orchestra, Peter Eotvös (direction)


P. Boulez, P. Eotvös (© Priska Ketterer)


La venue de l’Orchestre symphonique de Londres au Bozar deux soirs consécutifs compte parmi les évènements phares de cette saison mais les troubles oculaires de Pierre Boulez tempèrent quelque peu l’enthousiasme. Déjà, en mars dernier, le chef a dû renoncer à diriger l’Ensemble intercontemporain qui s’est dès lors produit avec George Benjamin. Peter Eotvös, qui porte lui aussi la double casquette de chef et de compositeur, prend les rênes de la formation britannique en conservant le programme tel quel. Bartók et Szymanowski ce jeudi, Debussy, Szymanowski et Scriabine le lendemain : n’apparaissent à l’affiche que des compositeurs qui appartiennent au club très select de ceux que Pierre Boulez consent à interpréter. Dénominateur commun de ces deux concerts, Szymanowski a fait l’objet de manifestations débutées lors de la présidence de la Pologne au Conseil de l’Union européenne l’année passée et durant lesquelles sa musique aura été plutôt bien mise à l’honneur : Le Roi Roger en version de concert, les deux Concertos pour violon, la Quatrième Symphonie, diverses œuvres pour piano et de musique de chambre. Une belle brochure (gratuite) a été éditée à cette occasion.


Comme la veille et l’avant-veille à Paris, l’absence de Pierre Boulez explique sans doute que de nombreux sièges restent inoccupés, bien que l’affluence reste celle des grands soirs. La Musique pour cordes, percussion et célesta (1936) de Bartók révèle d’emblée un véritable orchestre-caméléon qui, conscient de ses moyens, évolue avec aisance dans un vaste répertoire sans pour pour autant affirmer une forte identité. L’exécution atteint un haut niveau de raffinement mais elle ne concilie pas fermeté et souplesse de façon optimale tandis que le choix des tempi peut se discuter: pourquoi ralentir ainsi à certains moments et accélérer à d’autres ? Si les quatre mouvements affichent de vifs contrastes, notamment entre un Adagio évocateur et un Finale plein d’alacrité, l’équilibre parfait de cette œuvre n’apparait pas complètement, de même que la multitude de détails qui la rendent si précieuse, mais Peter Eotvös a le mérite de ne pas restituer cette musique avec trop de neutralité.


Deux violonistes de renom se succèdent sur la scène de la Salle Henry Le Bœuf durant ces deux soirs : l’excellent Christian Tetzlaff dans le Premier Concerto de Szymanowski, qu’il a enregistré il y a peu avec, justement, Pierre Boulez, et le non moins remarquable Nikolaj Znaider dans le Second Concerto (1938) de Bartók. Le vainqueur du Concours Reine Elisabeth de 1997 affronte cette copieuse partition avec une apparente décontraction, comme s’il s’agissait d’accomplir une petite course en ville, mais cela ne l’empêche pas de devoir recourir au mouchoir aimablement tendu par un altiste. Malgré un jeu plein de panache, aux traits extrêmement précis et à la dynamique formidablement nuancée, le timbre ne compte pas parmi les plus soyeux et quelques effets un peu grossiers peuvent faire sourciller les tenants du beau son. Alors que le public parisien a eu droit, la veille, à la Sarabande de la Deuxième Partita de Bach, le violoniste quitte la scène sans accorder de bis – pourtant, pour une fois, les spectateurs se sont montrés disciplinés.


Avant la Troisième Symphonie «Le Chant de la nuit» (1916) de Szymanowski, une rangée de jeunes, manifestement présents dans le cadre d’une activité scolaire, quittent la salle. Tant pis pour eux puisqu’ils passent à côté d’une des œuvres les plus sublimes du XXe siècle, de surcroît rarement exécutée. Celle-ci repose sur un texte du poète persan Jalal’ad-Din Rumi, traduit en polonais et reproduit dans le programme de salle sans la moindre traduction – tout le monde comprend cette langue, c’est bien connu. Placé à Pleyel au pied de la tribune sur laquelle a été installé le London Symphony Chorus, Steve Davislim occupe cette fois une position sans doute plus adéquate, côté cour, isolé en hauteur à l’extrémité d’un balcon – séduisante et lumineuse, la voix semble ainsi provenir du ciel. Une telle partition requiert de la minutie, de la cohésion, de la finesse – impossible de manquer le premier violon Gordan Nikolitch –, de la sensualité, de la puissance, de la malléabilité. L’orchestre répond à ces exigences et veille à la lisibilité, même dans la phénoménale apothéose qui précède la conclusion, éthérée et rejoignant progressivement le silence.



Sébastien Foucart

 

 

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