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Puccini révélé à l’orchestre

Saint-Etienne
Grand Théâtre Massenet
04/23/2012 -  et 25, 27 avril 2012
Giacomo Puccini : Madama Butterfly
Shigeko Hata (Cio-Cio San), Evan Bowers (Pinkerton), Edwin Crossley Mercer (Sharpless), Blandine Folio Peres (Suzuki), Manuel Nunez Camelino (Goro), Régis Mengus (Le Commissaire impérial, Le Prince Yamadori), Christophe Bernard (Le Bonze), Geneviève Laloy (Kate), Zoltan Csekö (L’Officier d’état civil), Frédérik Prevault (L’Oncle Yakusidé), Ghezlane Hanzazi (La Mère de Cio-Cio San), Catherine Bernardini (La Tante de Cio-Cio San), Roselyne Giraud (La Cousine de Cio-Cio San), Logan Béal/Oscar Rossbach (Dolore, fils de Butterfly et Pinkerton)
Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, Laurent Touche (direction des chœurs et assistant à la direction musicale), Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire, Laurent Campellone (direction musicale)
Alain Garichot (mise en scène), Denis Fruchaud (décors), Claude Masson (costumes), Marc Delamézière (lumières)


(© Cyrille Cauvet)


C’est souvent pour les voix que l’on vient voir Madama Butterfly. Mais c’est parfois la performance de l’orchestre, comme ce soir, qui distingue la représentation. A la tête de l’Orchestre symphonique Saint-Etienne Loire – une formation non permanente! – Laurent Campellone réalise un travail exceptionnel, avec un enthousiasme audible et communicatif, dont le résultat surpasse sans difficulté maintes formations à la pérennité établie. Sans vouloir détailler à nouveau les analyses d’Alessandro Baricco – entre autres dans son opuscule L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin – nous rappellerons l’évidente parenté entre Puccini et le cinématographe quant aux procédés dramatiques. Sans s’y limiter, le directeur musical de l’institution stéphanoise insuffle à la partition une admirable puissance narrative et révèle, au-delà de son apparent élémentarisme, la profonde ductilité du système motivique du compositeur italien, aussi raffiné que captivant, absorbant de fait les japoniaiseries trop souvent de rigueur, et qui ne sont que les tumeurs d’un exotisme mal compris et surexposé. La portée universelle de ce drame d’amour et de trahison ne s’en trouve que rehaussée.


La mise en scène minimaliste d’Alain Garichot y participe efficacement, même si elle ne se distingue pas par son iconoclasme. L’économie visuelle rappelle pour certains Bob Wilson, tandis que d’autres y décèlent des traces de l’esthétique de Robert Lepage. Denis Fruchaud a dessiné un système d’estrades tout de blanc, macrocosme à l’échelle scénique d’une miniature de l’appartement de Butterfly et Pinkerton. Dans cette illustration du dialogue inaugural avec Goro se révèle la manipulation dont sera victime Cio-Cio San, et dont l’officier américain ne mesure pas les conséquences. Les lumières réglées par Marc Delamézière jouent avec les effets d’ombres projetées sur les parois d’albâtre et réservent des moments d’élucidation dramaturgique à l’impact particulièrement marqué, à l’instar de l’effet de guillotine dans le suicide de l’héroïne. Sans compter une direction d’acteurs d’une belle sensibilité.


Quoique légèrement indisposée, Shigeko Hata incarne une Cio-Cio San émouvante, au timbre charnu et coloré, qui la distingue des papillons diaphanes auxquels on cantonne parfois le rôle. L’évolution psychologique du personnage est présentée avec intelligence. Si l’on peut regretter l’excès d’apprêt dans la robe rouge du deuxième acte, l’orgueil juvénile de la situation nouvelle dont elle croit qu’elle l’élève au-dessus de ses racines et ses compatriotes nippons arrimés à leur nation s’exprime avec une acuité intéressante. Il y a une densité dramatique dans cette Butterfly-là qui s’épanouira encore mieux une fois le trac de la prise de rôle surmonté. Pinkerton touchant jusque dans sa veulerie évidente, Evan Bowers équilibre avec tact l’ambivalence du rôle, tiraillé entre robustesse, jamais alourdie ici, et luminosité, tout à fait satisfaisante. Edwin Crossley-Mercer affiche une assurance modeste en Sharpless tandis que Blandine Folio Peres imprime une consistance appréciable à Suzuki. Habitué aux rôles d’entremetteur, après le Gastone de La Traviata dijonnaise, Manuel Nunez Camelino exhibe une théâtralité réjouissante en Goro. Régis Mengus s’acquitte honorablement de la partie de Prince Yamadori alors que Christophe Bernard force un peu son Bonze. Geneviève Laloy rayonne de pâleur attendue en Kate Pinkerton. Le reste des comprimarii ne dépare point, à l’unisson du Chœur lyrique Saint-Etienne Loire, préparé par Laurent Touche.

La Madame Butterfly de ce soir prouve une fois de plus la qualité de la programmation de l’Opéra de Saint-Etienne, et démontre que dans le monde des institutions lyriques, les David peuvent rivaliser sans rougir avec les Goliath.



Gilles Charlassier

 

 

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