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Grandeur et décadence Normandie Deauville (Salle Elie de Brignac) 04/28/2012 - Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor pour piano et cordes n° 2, en mi bémol majeur K. 493 (#)
Richard Strauss : Métamorphoses pour septuor à cordes (*)
Mi-Sa Yang (#), Renaud Capuçon (*), Charlotte Julliard (*) (violon), Adrien La Marca (# *), Sarah Chenaf (*) (alto), Victor Julien-Laferrière (#), Jérôme Pernoo (*), Bruno Philippe (*) (violoncelle), Yann Dubost (*) (contrebasse), Adam Laloum (#) (piano)
J. Pernoo (© Alix Laveau)
L’avant-dernier concert du seizième festival de Pâques de Deauville attira un public plus nombreux que d’habitude. Occasion de sortir un samedi soir pluvieux, présence de deux éminents artistes par ailleurs fondateurs du festival en 1996, le violoniste Renaud Capuçon et le violoncelliste Jérôme Pernoo, ou programme associant deux compositeurs célèbres, Mozart et Richard Strauss, incarnant un certain équilibre viennois et une certaine tradition allemande, quoique à bout de souffle? Nul ne le sait mais il faut se féliciter que cette présence du public ait constitué une nouvelle preuve de son soutien au festival en ces temps difficiles.
Yves Petit de Voize, l’infatigable organisateur du festival et découvreur de talents, prononça d’ailleurs quelques mots pour le remercier ainsi qu’à l’adresse de la ville de Deauville et de son maire, Philippe Augier, du groupe Lucien Barrière et de son casino, du groupe Arqana, spécialisé dans la vente aux enchères de chevaux de course, la salle Elie de Brignac, lieu des concerts étant le temple des amateurs de yearlings, et naturellement de la Fondation Singer-Polignac qui accompagne les jeunes musiciens dans leurs premiers pas.
La première partie était ensuite consacrée au Second Quatuor pour piano et cordes. L’exercice d’équilibre entre piano et cordes fut clairement survolé par Adam Laloum, remarqué à Deauville dès 2009 (voir ici et ici). Constamment attentif aux cordes, il fit preuve d’une douceur de toucher vraiment remarquable, sachant faire chanter son instrument, et sa sûreté technique n’eut d’égal que le naturel de son discours. Tout était limpide, sans artifice, sans lourdeur. Malheureusement les cordes paraissaient en regard un peu vertes, manquant de personnalité. L’ensemble fut néanmoins d’un niveau assez élevé, notamment le Larghetto central, non exempt d’une certaine mélancolie. A l’évidence, les artistes avaient fourni un important travail pour cette œuvre aussi dense que difficile.
Après une pause interminable, les conversations mondaines n’en finissant pas, la seconde partie fut occupée par les seules Métamorphoses (1945) de Richard Strauss (1864-1949), objet musical non identifié et crépusculaire déjà présenté dans sa version originale pour vingt-trois cordes à Deauville en 2008. Renaud Capuçon et Jérôme Pernoo encadraient leurs jeunes compères. Le premier fit son possible pour animer cette masse musicale d’une demi-heure, aussi informe que désespérante, conçue par un homme qui ne sait plus où il est, dans quel monde il vit et où il va. Il parvint ainsi à influer un peu de vie et éviter le précipice, l’effondrement. Les derniers moments furent d’une grande beauté, les musiciens imposant à la fin un long silence mortuaire pour retarder des applaudissements, il est vrai presque déplacés après de tels déchirements mais pourtant légitimes au regard de la tension musicale fournie par les interprètes.
Stéphane Guy
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