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A gauche toute!

Paris
Institut Goethe
04/03/2012 -  
Johann Sebastian Bach : Partita pour violon n° 2, BWV 1004: Chaconne (transcription Johannes Brahms)
Leopold Godowsky : Etudes d’après Chopin n° 5 (sur l’Opus 10 n° 3), n° 45a (sur la Nouvelle étude n° 3), n° 28 (sur l’Opus 25 n° 2), n° 13 (sur l’Opus 10 n° 6), n° 21 (sur l’Opus 10 n° 9), n° 41 (sur l’Opus 25 n° 10), n° 2 (sur l’Opus 10 n° 1) et n° 22 (sur l’Opus 10 n° 12) – Méditation

Ivan Ilic (piano)


I. Ilic (© D.R.)


Américain d’origine serbe, Ivan Ilic (né en 1978) réside depuis une dizaine d’années à Paris, où il a étudié avec François-René Duchâble, Christian Ivaldi et Jacques Rouvier, et c’est dans un français impeccable et fluide qu’il s’adresse au public qui a rempli l’auditorium de l’Institut Goethe: une présentation liminaire n’est pas de trop avant ce récital hors norme, coïncidant avec la sortie de son dernier enregistrement, tout récemment paru chez Paraty. Car peu l’ont osé avant lui – notamment l’incontournable Marc-André Hamelin: il s’est attaqué au travail réalisé entre 1894 et 1914 par Leopold Godowsky (1870-1938) sur les vingt-sept Etudes de Chopin (les douze de l’Opus 10, les douze de l’Opus 25 et les Trois nouvelles études). Au total cinq livres comprenant une cinquantaine d’adaptations et faisant assaut de la virtuosité la plus démentielle: voix ajoutées à des partitions originales pourtant déjà passablement exigeantes, inversion des mains, superposition de deux Etudes (l’une à la main gauche, l’autre à la main droite), l’imagination du pianiste et compositeur américain d’origine polonaise ne semblait pas avoir de limite.


Vingt-deux de ces Etudes sont écrites pour la main gauche seule – une spécialité de Godowsky, avant même que Paul Wittgenstein ne contribue, à son corps défendant, à en enrichir le répertoire. Ses adaptations sont tantôt proches de l’original, comme une transcription ou une réduction de la version originale, tantôt sensiblement éloignées, s’apparentant davantage à une paraphrase: il ne se refuse pas à intervenir sur le tempo, à transposer la tonalité d’origine, à déplacer les registres, à complexifier le contrepoint, à jouer sur les nuances dynamiques ou à modifier l’harmonie. Du coup, Ilic interroge le public: l’œuvre demeure-t-elle attribuable à Chopin ou est-elle devenue celle de Godowsky? Finement, il a inséré parmi les huit Etudes qu’il a sélectionnées une Méditation (1929) entièrement de la main – toujours la gauche, bien sûr – de «Mr. God»: force est de constater que l’enchaînement se fait sans solution de continuité, tant il est parvenu à conférer sa «patte» aux œuvres de son aîné.


Et la question de l’attribution a-t-elle vraiment de l’importance? En tout cas, ce qui fascine Ilic, c’est la collaboration par delà les époques entre deux artistes qui ne se sont jamais connus, le premier étant mort vingt ans avant la naissance du second. C’est également le cas dans la Chaconne de Bach transcrite en 1877 par Brahms et publiée comme dernière de ses cinq Etudes: Institut Goethe oblige, il a fallu saluer ainsi le pays hôte, mais la contrainte, comme souvent, se révèle fructueuse, car elle révèle la différence de nature avec la démarche de Godowsky, sinon moins fidèle du moins plus créatif. Si le Bach/Brahms se révèle assez décevant, prosaïque et hésitant, le pianiste semblant en outre lutter contre un Blüthner un peu rétif, le Chopin/Godowsky ne peut en revanche que fasciner, même si la réalisation de ces pièces injouables n’est évidemment pas toujours parfaite et si la registration, dépassant rarement le medium, finit par susciter une certaine monotonie.


La conclusion prend même l’allure d’un feu d’artifice, avec les délirantes adaptations des Première et Douzième («Révolutionnaire») de l’Opus 10. Du coup, comme le fait observer un auditeur, c’est des deux mains que le public applaudit l’artiste, qui offre en bis le premier volet du diptyque Prélude et Fugue (1929) – pour la main gauche seule, évidemment – qui se fonde sur l’équivalent musical dans le système allemand de notation des lettres formant le nom de Bach: manière élégante, aussi, de la Chaconne à ce Prélude, de boucler la boucle.


Le site d’Ivan Ilic



Simon Corley

 

 

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