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L’Orchestre de Paris à l’heure de Vienne Paris Salle Pleyel 03/28/2012 - Anton Webern : Passacaille, opus 1
Alban Berg : Concerto pour violon «Dem Andenken eines Engels»
Anton Bruckner : Symphonie n° 6
Gil Shaham (violon)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)
G. Shaham (© Boyd Hagen)
L’Orchestre de Paris ne rechigne pas à inviter régulièrement son ancien directeur musical, comme le National (sans toutefois aller jusqu’à lui conférer l’honorariat à vie) – le moins qu’on puisse dire est que ce ne fut pas le cas de la plupart de ceux qui l’ont précédé dans cette fonction. Avant les trois dernières symphonies de Mozart (25 et 26 avril), Christoph Eschenbach propose un beau (et copieux) programme viennois, débutant par une Passacaille (1908) de Webern mahlérienne en diable, où l’on retrouve son inclination à privilégier l’instant sur la construction, le spectaculaire – par exemple des tutti bruyants – sur l’analytique.
Après cet Opus 1 de l’un des membres de la «trinité viennoise», c’est l’ultime œuvre du plus jeune de ces compositeurs, dont Webern, étreint par l’émotion, ne put diriger la première: Gil Shaham poursuit en effet avec Berg sa série de concertos des années 1930 à l’Orchestre de Paris, entamée la saison dernière avec Prokofiev et Walton. Poursuivie un peu plus tôt cette saison avec Barber, elle s’achèvera la saison prochaine avec Stravinski (janvier) et Bartók (mars), en lieu et place de Britten et Szymanowski initialement annoncés. Après trois concertos d’atmosphère hédoniste et radieuse, le Concerto «A la mémoire d’un ange» (1935) apparaît comme le plus dramatique, sinon le plus sombre. Mais le soliste, entré en scène à très vive allure, avec son enthousiasme coutumier, se montre tout aussi à son aise: puissance impressionnante face à l’orchestre, engagement sans répit, sonorité toujours aussi splendide, démontrant qu’il n’est point besoin de violon rauque et abrasif pour traduire le drame qui se joue dans les deux mouvements.
Très apprécié des musiciens, au sein desquels se détache le trombone à la fois impeccable et lyrique de Guillaume Cottet-Dumoulin, Shaham ne va pas chercher loin son bis: comme lors de ses précédentes prestations, il choisit Bach, auquel Berg fait référence dans les dernières pages de son concerto. Dans l’embrasure de la porte conduisant aux coulisses, Eschenbach reste debout pour écouter la Sarabande de la Deuxième Partita, étonnamment personnelle, d’une grande liberté tant dans le tempo que dans l’ornementation et le phrasé, avant la Gigue de la Troisième Partita, certes avec toutes ses reprises mais aussi peu orthodoxe, menée à très vive allure comme une étude de virtuosité.
Du temps de son mandat, Eschenbach n’avait pas donné la Sixième (1881) de Bruckner, que Janowski avait en revanche dirigée en janvier 2007. Là où l’un était parvenu à conjuguer fermeté, subtilité et expression, l’autre peine à ne pas céder à ses péchés mignons: culte de la lenteur (la durée totale avoisine l’heure), phrasés étirés, discours fluctuant, tendance à surligner la partition, rutilance confinant à l’hédonisme, générosité versant parfois dans l’hyperbole. C’est particulièrement le cas dans les deux premiers mouvements (portés il est vrai par un effectif de soixante-six cordes), dont les indications (respectivement «Majestoso» et «Solennel») sont interprétées de manière parfois trop ronflante, moins dans le Scherzo, à l’alacrité bienvenue, contrastant fortement avec l’indolence du Trio. Cela étant, l’Orchestre de Paris, premier à programmer régulièrement le compositeur dans la capitale, notamment sous l’impulsion de Daniel Barenboim, confirme qu’il demeure une belle formation brucknérienne.
Le site de Christoph Eschenbach
Simon Corley
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