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La lutte continue

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/28/2012 -  et 19 (Zürich), 20 (Luzern), 21 (Bern), 22 (Genève) mars 2012
Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande, opus 80 (orchestration Charles Koechlin)
Camille Saint-Saëns : Concerto pour violoncelle n° 1 en la mineur, opus 33
Claude Debussy : Jeux
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé, Suite n° 2

Antonio Meneses (violoncelle)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


A. Meneses (© Marco Borggreve)


Depuis 1983, date de sa découverte, le virus du sida n’a malheureusement pas disparu. En dépit des progrès de la recherche, notamment des trithérapies, et d’efforts constants en faveur de la protection et de la prévention des comportements à risque, certains continuent malheureusement de décéder ou de découvrir, à l’occasion d’un banal contrôle, leur séropositivité. A quelques jours du Sidaction, ce concert de l’Orchestre national de France témoignait du partenariat de Radio France avec cette grande campagne, l’ensemble des gains de la soirée étant reversés au profit de la recherche sur le virus et de l’accompagnement des malades. Aussi, après une allocution de circonstance de Jean-Pierre Le Pavec, directeur de la musique à Radio France, et de Pierre Bergé, président du Sidaction, le concert put débuter dans ce parcours fort complet de la musique française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.


Doit-on s’étonner d’un tel programme? Oui et non, car si les phalanges nationales ne sont pas les plus promptes à défendre notre patrimoine culturel, sauf exception (voir ici) – depuis quand n’a-t-on pas entendu les concertos pour piano de Saint-Saëns, les symphonies de Magnard, les œuvres de Roussel sans parler de Léo Delibes ou même Emmanuel Chabrier? – c’est pourtant fréquemment les grandes pages de Debussy ou de Ravel qu’on leur demande de jouer lorsqu’elles sont en concert à l’étranger.


Au lendemain d’une tournée qui l’a conduit en Suisse et en Espagne, l’Orchestre national de France commençait donc sa prestation par la célèbre suite en quatre mouvements Pelléas et Mélisande (1898-1901) de Gabriel Fauré (1845-1924) qui, originellement musique de scène, a été orchestrée par Charles Koechlin. Dès le Prélude (Quasi adagio), les timbres du National frappent par leur douceur (les cordes), sonorités où sein desquelles on soulignera tout particulièrement les interventions millimétrées de Nora Cismondi au hautbois (également fort à l’œuvre dans la «Fileuse») et de Patrick Messina à la clarinette. Evidemment, chacun attendait avec impatience la superbe «Sicilienne»: on regrettera donc que Daniele Gatti ne soit pas assez langoureux et ne permette pas aux cordes et à la flûte solo d’offrir des couleurs aussi diaphanes et évocatrices qu’elles l’avaient fait dans la première partie. Dans «La Mort de Mélisande» (Molto adagio), l’orchestre recouvre néanmoins quelque caractère même si une plus grande violence de ton aurait pu être requise. La finesse de la partition a hélas été émaillée par de nombreux spectateurs inattentifs ou irrespectueux, qui éternuant (au froid succèdent sans doute les pollens...), qui vociférant contre ceux qui veillent pourtant à ne se moucher qu’entre les mouvements (ceux-là même qui d’ailleurs ne cessent de tortiller leur programme ou de battre du pied la mesure à contretemps), qui dépliant avec une discrétion pachydermique son cachet destiné a priori à éviter justement toute toux intempestive...


Camille Saint-Saëns (1835-1921) a composé plusieurs œuvres pour violoncelle et orchestre: outre deux concertos, on rappellera sa superbe Suite en ré mineur opus 16, la Romance opus 36 et l’Allegro appassionato opus 43, sans compter l’inévitable «Cygne» issu du non moins célèbre Carnaval des animaux. Antonio Meneses, violoncelliste helvète mais d’origine brésilienne, a choisi de défendre ce soir le Premier Concerto (1872), page antérieure de quelques années au Concerto pour violoncelle d’Edouard Lalo, récemment donné par Marc Coppey et l’Orchestre de Paris. En trois mouvements enchaînés, l’œuvre ne manque pas de caractère, volontiers romantique dans ses emportements (quelle entrée de l’instrument soliste!), offrant une section centrale tout en délicatesse, et témoignant de la place paradoxalement prépondérante que le compositeur offre à l’orchestre, le violoncelle étant lui-même presque concurrencé sur ses terres par les interventions solistes des bois.


Antonio Meneses est idéal de finesse (on sent dans l’ancien membre du Beaux-Arts Trio le chambriste affirmé) et de virtuosité (notamment lorsque ses doigts courent dans des aigus d’une irréprochable justesse, comme c’est notamment le cas vers la fin du troisième mouvement), Daniele Gatti se comportant en partenaire à la fois attentif et soucieux de donner toute sa place à l’orchestre. Le résultat est excellent et ne peut qu’inciter à multiplier les interprétations des concertos de Saint-Saëns. En bis, et de façon très classique, Meneses interprète la Courante de la Quatrième Suite de Johann Sebastian Bach.


Après l’entracte, deux morceaux de bravoure chacun dans leur genre. Il s’agissait tout d’abord de Jeux de Claude Debussy (1862-1918), «poème dansé» créé par Pierre Monteux en mai 1913 quelques jours avant Le Sacre, musique chorégraphique pour les besoins d’un ballet de Nijinski. Daniele Gatti et l’Orchestre national de France y sont époustouflants, parvenant à se jouer des difficultés rythmiques avec une réussite impressionnante. Même si les attaques des cors, un peu trop forts, et des flûtes, pas forcément ensemble, étaient perfectibles, chaque pupitre se montre on ne peut plus à la hauteur des chausse-trappes de la partition qui évoque en plus d’une occasion, c’est au choix, Pétrouchka ou la peinture pointilliste d’un Signac ou d’un Sisley.


Incontournable dans ce paysage de la musique française au tournant de deux siècles, la Seconde Suite de Daphnis et Chloé (1912) de Maurice Ravel (1875-1937) mettait fin avec emphase à ce concert. Si le crescendo du «Lever du jour» est conduit trop rapidement, Daniele Gatti n’en offre pas moins une interprétation très convaincante, aidé par un orchestre encore une fois excellent à l’image de Philippe Pierlot, flûtiste solo. On regrettera donc d’autant plus ce bis, un Prélude de Carmen brutal voire martial, concluant un concert qui coïncide avec la sortie d’un disque dirigé par Daniele Gatti, consacré aux grandes pages orchestrales de Claude Debussy (publié chez Sony).


Le site du Sidaction
Le site d’Antonio Meneses



Sébastien Gauthier

 

 

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