Back
Un mardi chez Colonne Paris Salle Pleyel 03/27/2012 - Thierry Escaich : Vertiges de la Croix
Maurice Ravel : Concerto en sol
Robert Schumann : Symphonie n° 3 «Rheinische», opus 97
David Kadouch (piano)
Orchestre Colonne, Laurent Petitgirard (direction)
D. Kadouch (© Caroline Doutre)
Un peu moins de public que de coutume en ce mardi soir pour l’Orchestre Colonne, mais on ne pourra pas dire que c’est parce que le concert commence par une pièce de musique contemporaine, car Laurent Petitgirard s’attache à débuter de la sorte tous ses programmes. D’après La Descente de Croix (vers 1617) de Rubens, Vertiges de la Croix(2004) de Thierry Escaich porte un titre à la Messiaen et renvoie au même thème que les Three Studies for a Crucifixion de Pascal Zavaro, composées la même année et inspirées quant à elles de Francis Bacon. En un peu moins de 20 minutes d’un seul tenant, l’œuvre s’apparente à un poème symphonique, décrivant schématiquement un crescendo d’intensité sonore et dramatique jusqu’à des tutti parfois massifs et confus. Le compositeur, présent pour l’occasion, se montre fidèle à sa veine postlandowskienne, dépeignant avec une efficacité quasi cinématographique des atmosphères tourmentées et des visions apocalyptiques, dont le caractère apparaît plus fantastique que religieux.
Ainsi que le précise le chef, qui ne rate pas cette occasion de s’adresser aux spectateurs de Pleyel, ce n’est pas Frank Braley, contrairement à ce qui est indiqué sur leur billet d’entrée, qu’ils vont entendre – il faut pour cela attendre la saison prochaine, où il donnera les Variations symphoniques de Franck et le Concerto de Connesson. C’est donc bien David Kadouch (né en 1985), troisième prix au concours Beethoven de Bonn (2005) et quatrième prix au concours de Leeds (2009), qui se produit dans le Concerto en sol (1931) de Ravel. Soutenu par un accompagnement savoureux mais pas irréprochable malgré de bons pupitres (cor anglais, mais aussi petite clarinette et basson), il ne se précipite pas dans l’Allegramente initial, dont il met en valeur toute la dimension lyrique sans en sacrifier pour autant l’énergie et le rythme. Avec un Adagio d’une distance voire d’une raideur néoclassiques, si Ravel affirmait avoir «écrit dans l’esprit [des concertos] de Mozart et de Saint-Saëns», il en fait davantage le contemporain de Stravinski. Le Presto final confirme que la technique constitue l’un des atouts du pianiste français: pas un trait n’est savonné, et ils sont même articulés avec une parfaite clarté.
Petitgirard s’empare d’une chaise, s’assied à côté du podium et enjoint du geste le soliste à offrir un bis: celui-ci s’y prête évidemment de bonne grâce, dans la Deuxième des six Romances sans paroles du Sixième Cahier (1845) de Mendelssohn, de climat déjà brahmsien: choix original, au demeurant bien défendu, et excellente transition vers le romantisme allemand de la seconde partie. Eclaircie et dynamisée par le directeur musical de l’Orchestre Colonne, soutenue par des cors d’une belle autorité, la Troisième Symphonie «Rhénane» (1850) de Schumann retentit avec fierté et générosité dès le premier mouvement (sans sa reprise), mais les deux mouvements suivants font preuve d’allant et de légèreté, tenant ainsi lieu d’intermezzos. Le poids de l’édifice se reporte donc sur le «Solennel», éloquent sans être brucknérien avant la lettre, pour laisser place à un Finale bondissant.
Le site de Thierry Escaich
Simon Corley
|