About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Une exhumation bienvenue

Paris
Cathédrale Notre-Dame de Paris
03/21/2012 -  et 22 mars 2012
Wolfgang Amadeus Mozart : Messe n° 14 en ut majeur «Du couronnement», K. 317
Joseph Haydn : Stabat Mater en sol mineur, Hob.XXa.1

Rebecca Evans (soprano), Renata Pokupic (mezzo), Jeremy Ovenden (ténor), Stephan Loges (basse)
Maîtrise Notre-Dame de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de chambre de Paris, Fabio Biondi (direction)


F. Biondi


Il est toujours impressionnant d’écouter un concert dans un grand lieu cultuel: que dire alors lorsqu’il s’agit de la cathédrale Notre-Dame de Paris? Dès l’attente parmi le public qui fait la queue sur le parvis, le regard est attiré par les reliefs des piédroits de droite et de gauche, par le tympan représentant le Jugement dernier avant que, une fois entré dans l’édifice, celui-ci n’admire l’immense nef (longue de 60 mètres), les piliers démesurés et les vitraux exceptionnellement ouvragés. Il n’est donc pas aisé de préparer son esprit à l’écoute lorsque, parmi les cinq sens, celui-ci fait plutôt jouer le regard à l’égard d’un lieu qui aura nécessité près de deux siècles de travaux (de 1163 à 1345).


Et, malheureusement, l’oreille n’est pas beaucoup flattée au cours de cette première partie de concert consacrée à la célèbre Messe du Couronnement (1779) de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). La première responsabilité en revient évidemment à Fabio Biondi qui, pour l’occasion, a troqué son violon contre une baguette, même s’il dirige des orchestres depuis longtemps, à commencer par son célèbre ensemble de Europa Galante. Il aborde cette Messe avec les mauvais travers du baroque: une excessive rapidité (l’œuvre étant enlevée en à peine 20 minutes, sans même laisser de moindre pause entre les différents mouvements) sauf peut-être dans le «Benedictus» à la pulsation idoine, une approche assez abrupte voire brutale, des partis prix étranges (la fin jouant sur des variations de tempi extrêmement désagréables). La seconde responsabilité échoit à un orchestre confus, peut-être handicapé par une réverbération qui, depuis les premiers rangs en tout cas, s’avère assez importante; le jeu des cuivres et des timbales instaure une sorte de halo sonore qui ne permet jamais d’entendre la finesse des cordes ou, ce qui est encore plus dommageable, du hautbois dans l’«Agnus Dei». La dernière responsabilité, mais non des moindres, incombe aux quatre solistes qui, à des degrés divers, n’apparaissent pas très impliqués. Si les prestations de Renata Pokupic et de Stephan Loges sont correctes sans plus, celle de Rebecca Evans est franchement décevante. Non contente de multiplier les attaques par en-dessous ou de manière assez dure (dans le «Kyrie» notamment) et de couvrir fréquemment ses coreligionnaires, elle manque à l’évidence de poésie dans l’«Agnus Dei», page pourtant si délicate tant pour le chant que pour l’orchestre. Quant au ténor Jeremy Ovenden, il semble totalement ailleurs, se contentant du service minimum, ne soignant pas ses interventions comme il conviendrait dans une telle œuvre (son entrée dans le «Kyrie» exécutée avec une platitude confondante).


La responsabilité générale incombait-elle également au fait que les artistes n’étaient pas encore «chauds»? On peut légitimement se poser la question tant la seconde partie de ce concert, consacrée au Stabat Mater (1767) de Joseph Haydn (1732-1808), fut superbe. Il est vrai que le premier intérêt vient de ce que cette œuvre aux belles dimensions (près d’une heure de musique) ne figure que rarement dans les programmes de concert (voir néanmoins ici). Il est également vrai que le génie que Haydn a su déployer dans ses grands oratorios ou dans certaines de ses messes ne se retrouve pas dans ce Stabat Mater qui, en outre, ne requiert qu’un orchestre allégé (sans cuivres ni timbales notamment, seuls deux hautbois ou cors anglais intervenant chez les vents). Alors que Haydn se trouve plongé dans le climat si prolifique du Sturm und Drang («Tempête et élan»), il insiste ici sur l’absence de toute folie et de toute recherche excessive, préférant une pièce où l’émotion naît de quelque trait simple confié à l’un des solistes ou aux cordes. Le fait est que le résultat de ce soir fut extrêmement convaincant.


Dès l’attaque du «Stabat Mater dolorosa», la Maîtrise Notre-Dame de Paris, parfaitement préparée par Lionel Sow, instaure un climat grandiose et puissant qui sait néanmoins éviter toute grandiloquence. Tour à tour dramatique (dans le «O quam tristis et afflicta»), véhément (quel «Eja Mater, fons amoris»!) ou recueilli (dans la conclusion du «Paradisi gloria»), le chœur prouve une fois de plus le talent de Haydn dans ces grands ensembles vocaux. Contrairement à la première partie, les solistes se montrent cette fois-ci à la hauteur des attentes. Rebecca Evans se fond davantage dans l’ensemble et, même si sa ligne de chant a quelque difficulté à se stabiliser au début du «Paradisi gloria», elle est là tout à fait dans son élément, notamment dans le très beau duo qu’elle chante avec Renata Pokupic dans le «Quando corpus morietur», dont les accents font inévitablement penser au Stabat Mater de Pergolèse. Renata Pokupic qui avait été quelque peu éclipsée dans Mozart trouve ici de très belles pages où s’illustrer, ce qu’elle fait d’ailleurs avec une vraie réussite: on retiendra tout spécialement le «Juxta crucem tecum stare» qu’elle déclame avec une très grande implication, tout en hésitations, en soupirs, faisant parfaitement ressentir à l’auditoire le climat de supplication souhaité par Haydn. S’il semblait indifférent dans Mozart, Jeremy Ovenden faut ici montre d’un réel investissement, déclamant d’une voix douloureuse le «Vidit suum dulcem natum», ou chantant dans une belle harmonie le duo avec la soprano que lui offre le «Tui nati vulnerati». Quant à Stephan Loges, il se voit confier notamment deux magnifiques passages (le «Pro peccatis suae gentis» et le «Flammis ne urar succensus») qu’il chante avec une belle projection vocale alors qu’il manquait singulièrement de volume dans la Messe du Couronnement.


Il faut bien avouer que l’orchestre se montre également plus à son aise. Les cordes sont ainsi tour à tour d’une incroyable finesse («Pro peccatis») et légèreté (dans le très bel échange «Sancta mater, istud agas» entre la soprano et le ténor), faisant surgir à l’occasion quelque sonorité italienne, voire vénitienne, qui témoigne de l’influence de la Péninsule sur l’Europe musicale au XVIIIe siècle («Flammis ne urar»). Signalons également les interventions du hautbois solo, excellent à l’unisson des cordes («Quis non posset contristari») ou lorsqu’il intervient seul, solaire au milieu de la gravité des basses («Fac me vere»). Dirigeant alternativement de sa baguette ou de son archet, Fabio Biondi, qui joue donc à l’occasion les tutti des premiers violons, enlève l’ensemble avec une indéniable conviction: nul doute que pour beaucoup, ce soir, cette œuvre fut une vraie et belle réhabilitation.


Le site de Jeremy Ovenden



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com