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Un délicat crépuscule

Paris
Théâtre du Châtelet
03/06/2012 -  
Burton Lane : Finian’s Rainbow: «Look to the rainbow»
Marvin Hamlisch : The way we were: «Memories»
Carole Sager et Michael Masser : It’s my turn: «It’s my turn»
Stephen Sondheim : A Little Night Music: «Send in the clowns»
Joaquin Rodrigo : Aranjuez
Charles Aznavour : Hier encore/Yesterday when I was young
Ewan MacOll : The first time ever I saw your face
Richard Kerr : I’ll never love this way again
Michel Legrand : The Happy Ending: «What are you doing the rest of your life?»
Carole King : Will you love me tomorrow
J. Rosamond Johnson : Didn’t My Lord deliver Daniel
Thomas Kerr Jr. : Great Day – Get on board
Umberto Balsamo : Natalie
Lucio Dalla : Caruso
Tony Reni : Grande, Grande, Grande
Luther Vandross : Dance with my father
Paul Anka : My Way

Grace Bumbry (soprano), Kevin McCutcheon (piano), Wim Hoogewerf (guitare)


G. Bumbry (© DR)


S’il est une chose douloureuse pour les artistes lyriques, ce sont bien les adieux à la scène. Tandis que certains s’accrochent au point de confondre les théâtres avec des services de gériatrie vocale – le récent Roberto Devereux munichois de madame Gruberova en offre une parfaite illustration –, d’autres sortent avec ostentation. Il en reste enfin qui s’effacent progressivement. Grace Bumbry est de ceux-là. La soprano américaine, qui fut la première Vénus noire de Bayreuth, et que les lyricomanes ont pu applaudir dans les plus grandes maisons – elle incarna Didon dans la production des Troyens qui inaugura l’Opéra Bastille, et doubla le temps d’un soir avec Cassandre – s’est peu à peu faite plus rare. On l’a cependant entendue récemment au Châtelet dans plusieurs récitals mais aussi dans le Treemonisha de Scott Joplin il y a deux ans.


Cette prudence se conjugue à un intérêt pour un répertoire jugé plus populaire, et dont le concert de ce soir est un apaisant avatar. Supportée par une scénographie sobre qui semble emprunter à Robert Wilson les contrastes lumineux – quoiqu’ici dans des teintes plus chaudes – Grace Bumbry, élégamment parée, égrène des classiques de la chanson et de la comédie musicale. Le velouté de la voix a perdu sa voluptueuse épaisseur au fil des ans, mais, appuyée par une discrète amplification, n’enfreint que rarement la justesse. La séduction reconnaissable de son timbre opère encore, même si la diction se montre parfois perfectible. Si elle s’excuse auprès du public parisien de ce que sa performance d’Hier encore ne soit pas à la hauteur de son admiration pour Charles Aznavour, avant de poursuivre avec la version anglophone, jouant avec tact d’une complicité avec l’auditoire, son espagnol dans l’adaptation du mouvement lent du Concerto d’Aranjuez de Rodrigo – pour le coup accompagné à la guitare par Wim Hoogewerf – est absolument impossible.


Mais cela a peu d’importance au fond. On apprécie la page de Legrand, comme les trois spirituals de J. Rosamond Johnson et Thomas Kerr Jr., jouant autant de la virtuosité de la langue américaine que de l’émotion simple et directe. C’est cette sincérité qui touche encore dans Natalie ou Caruso, ce dernier non dénué d’une aristocrate élégance, et qui laisse loin derrière l’indécence débraillée souvent subie dans ce morceau. Le concert se referme avec deux bis, dont une mélodie d’Obradors – la diva ne baisse pas les cordes devant l’hispanité. «Cross over» vous dites ? Humblement et efficacement soutenue par Kevin McCutcheon, Grace Bumbry réalise ce soir un admirable et salutaire pied-de-nez aux puristes, et une formidable leçon de dignité.



Gilles Charlassier

 

 

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