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La Reine Anja

Zurich
Opernhaus
03/04/2012 -  et 8, 11, 18*, 20, 27, 30 mars, 9 avril 2012
Giuseppe Verdi: Don Carlo
Anja Harteros (Elisabetta di Valois), Vesselina Kasarova (La Principessa d'Eboli), Bettina Schneebeli (Tebaldo, Paggio di Elisabetta), Sen Guo (Una voce dal cielo), Matti Salminen (Fillippo II), Fabio Sartori (Don Carlos), Massimo Cavalletti (Rodrigo, marchese di Posa), Alfred Muff (Il Grande Inquisitore), Pavel Daniluk (Un frate), Benjamin Bernheim (Il conte di Lerma/Un araldo reale)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Orchester der Oper Zürich, Zubin Mehta (direction musicale)
Sven-Eric Bechtolf (mise en scène), Rolf Glittenberg (décors), Marianne Glittenberg (costumes)


A. Harteros, F. Sartori (© Suzanne Schwiertz)


Zurich vient de s'offrir une nouvelle production de Don Carlo (version italienne en cinq actes de 1886), la troisième de la direction d'Alexander Pereira, lequel a déjà annoncé qu'il programmera l'ouvrage à Salzbourg l'année prochaine, pour les festivités Verdi. Comme à Munich il y a deux mois, Anja Harteros incarne une Elisabeth idéale, illuminant le spectacle de sa présence et de son timbre. Port royal, silhouette élégante et élancée, la soprano allemande éblouit par sa voix phénoménale, non seulement d'une grande beauté mais aussi d'une grande pureté sur l'ensemble de la tessiture, capable de remplir sans peine tout l'espace de l'Opernhaus, comme de lancer des sons filés d'une longueur de souffle ahurissante. La chanteuse s'affirme comme l'une des toutes grandes interprètes verdiennes et wagnériennes de notre époque.


A ses côtés, Fabio Sartori a la vaillance et l'impétuosité de Don Carlo dans la voix, avec un timbre de miel et des aigus solides, mais son physique ingrat le rend peu crédible en jeune héros amoureux. Qu'on le veuille ou non, le cinéma a clairement influencé l'opéra ces dernières années, et aujourd'hui les chanteurs lyriques sont de plus en plus soumis au diktat de la silhouette et de la beauté, qui n'est plus l'apanage des acteurs. Massimo Cavalletti en Posa est la surprise de la soirée: s'il n'est peut-être pas le plus scrupuleux des stylistes, le baryton emporte l'adhésion par son allure racée et son chant noble. Matti Salminen est un chanteur très apprécié à Zurich, même si la voix n'est plus de toute première fraîcheur. Mais l'interprète a du métier et sait compenser l'usure du temps par un fort engagement scénique, donnant corps à chaque phrase du célèbre Ella giammai m'amò, dans lequel Philippe II est hanté par la solitude. On passera rapidement sur Alfred Muff, un Grand Inquisiteur qui crie au lieu de chanter, pour relever, une nouvelle fois, l'excellente prestation de Benjamin Bernheim en Comte de Lerma/héraut royal. Ce jeune ténor prometteur semble prêt désormais à se lancer dans des rôles plus importants. L'Eboli de Vesselina Kasarova laisse, quant à elle, une impression mitigée: si la chanteuse déploie un timbre soyeux, au grave riche et aux couleurs chatoyantes, ainsi qu'un tempérament de feu qui sied parfaitement à Eboli, on ne peut passer sous silence quelques sons tubés du plus mauvais effet. Il convient de mentionner aussi les interventions sublimes de Sen Guo en voix du ciel.


Pour ses débuts dans la fosse de l'Opernhaus, Zubin Mehta a choisi une partition qu'il affectionne tout particulièrement. Son Don Carlo se caractérise par une prédominance de couleurs sombres et des tempi étirés, qui donnent au spectacle un ton solennel, voire pesant parfois, mais d'une grande homogénéité. Le maestro sait par ailleurs fort bien doser la tension dramatique, qui va crescendo jusqu'au paroxysme final. Sa lecture est parfaitement en phase avec la mise en scène particulièrement noire de Sven-Eric Bechtolf, qui dépeint une cour d'Espagne oppressante et figée, dans laquelle les personnages sont corsetés par des conventions rigides, au point d'apparaître très statiques, comme tout droit sortis de tableaux. Ainsi, Don Carlo et Elisabeth ne se touchent pratiquement jamais, même lorsqu'ils chantent leur amour. D'immenses croix blanches viennent rappeler l'importance de la religion. Une scène est à cet égard emblématique: dans la Chanson du voile, deux moines encapuchonnés surveillent de près les dames de compagnie de la Reine, allant jusqu'à refuser une mandoline à Tebaldo. Pour sûr, on ne badine pas avec les règles de l'Inquisition.



Claudio Poloni

 

 

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