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Poupée, pierre et brouillard

Lyon
Conservatoire national supérieur de musique et de danse (Salle Edgar Varèse)
03/16/2012 -  et 19 (Paris), 22 (Saint-Etienne), 24 (Genève) mars 2012
Ondrej Adámek : Karakuri-Poupée mécanique
Michael Jarrell : Droben schmettert ein greller Stein...
Kenji Sakai : Fog and Bubbles (création)

Shigeko Hata (soprano), Michaël Chanu (contrebasse)
Ensemble orchestral contemporain, Daniel Kawka (direction)


O. Adámek (© Elisabeth Schneider)


Concepteur de la biennale lyonnaise «Musiques en scène», Grame s’associe à trois ensembles européens spécialisés dans la musique de notre temps – Champ d’action de Serge Verstockt (Anvers), l’ensemble mosaik d’Enno Poppe (Berlin) et l’Ensemble orchestral contemporain (EOC) de Daniel Kawka (Saint-Etienne) – pour organiser un nouveau concours international de composition, «New Forum jeune génération». Avant ce concert de l’ensemble stéphanois à la salle Edgar Varèse du conservatoire national (magnifiquement installé sur les bords de Saône, dans les locaux de l’ancienne école vétérinaire), James Giroudon, directeur artistique et général de Grame, présente le projet et laisse aux trois chefs le soin de révéler le nom des six lauréats sélectionnés parmi 164 candidats âgés de moins de 35 ans, dont les œuvres «au carrefour de plusieurs disciplines artistiques» seront programmées d’ici 2014 par les trois ensembles partenaires: mosaik pour le Brésilien Aurelio Edler-Copes (Brésil) et l’Italien Eduardo Moguillansky, Champ d’action pour le Japonais Hikari Kiyama et l’Allemand Johannes Kreidler, l’EOC pour le Français Aurélien Dumont et l’Etatsunien Christopher Trapani.


Avec Karakuri-Poupée mécanique (2011), Ondrej Adámek (né en 1979), après Nôise, poursuit dans sa veine japonaise. Il tire ici son inspiration des poupées mécaniques nipponnes (karakuri ningyo) du début du XIXe siècle pour concevoir une pièce de 22 minutes structurée en quatre parties décrivant successivement le créateur des poupées au travail, la liste des mouvements qu’elles doivent exécuter, les pièces détachées de leur mécanisme et, une fois leur fabrication achevée, la manière dont elles prennent vie. Sonorisée, la soprano Shigeko Hata chante des onomatopées et des mots en français, tchèque ou japonais, partie vocale à la Cathy Berberian qu’elle complète par de petits mouvements chorégraphiés, étroitement suivis et fidèlement illustrés par un ensemble instrumental évoquant parfois une musique de dessin animé américain des années 1950, jusqu’à une conclusion où son corps s’affaisse progressivement sur le sol. Confié à quatorze musiciens (flûte, clarinette, cor, trompette, trombone, quintette à cordes, piano et clavier électronique, harpe, percussions), l’instrumentarium est exploité avec fantaisie, brio et efficacité, les bois devant même abandonner un temps leur instrument habituel pour souffler dans des tuyaux recourbés tandis que le piano est principalement utilisé non pour son clavier mais pour des interventions opérées directement sur ses cordes avec l’aide de différents objets. Avec cette pièce pointilliste et éphémère, tour à tour motorique et ludique, à la mise en place d’une redoutable difficulté, le compositeur tchèque confirme son remarquable talent pour réussir les exercices de style et pour démontrer que la (bonne) musique contemporaine n’est pas nécessairement inaccessible, rébarbative et fermée à l’humour.


Michael Jarrell (né en 1958) est le compositeur invité de cette quinzième édition de la biennale: Droben schmettert ein greller Stein... (2001) emprunte son titre à celui d’un poème de l’Allemand August Stramm (1874-1915), «Là-haut frappe une pierre aiguë». La pièce fait dialoguer une contrebasse solo avec un ensemble assez proche de celui requis par Adámek (augmenté d’un hautbois, une clarinette, un basson et un tuba) et un dispositif électronique. Seize minutes de travail sur le pizzicato harmonique qui n’ont évidemment rien à voir avec un concerto traditionnel, mais qui, hormis une partie centrale sombre et agitée, distillent une poésie nocturne jusqu’à l’extinction finale en pizzicati du soliste sur fond de tintements des percussions.




Après l’entracte, c’est la création d’une partition d’un élève de Jarrell, Kenji Sakai (né en 1977), Fog and Bubbles, qui donne son titre au concert. On avouera toutefois avoir eu quelque peine à entendre le «brouillard» et les «bulles» que promettent ce titre et qui, selon le compositeur, «sont représentés par l’intégration de la partie électronique en temps réel dans la partie instrumentale». Serait-ce parce que l’usage de l’électronique, de la sonorisation et de la spatialisation demeure modeste, avec quelques spirales planant comme un écho autour du public et superpositions discrètes avec l’ensemble instrumental (celui de Jarrell privé d’une clarinette et du tuba)? Toujours est-il que ces 20 minutes composites et décousues mais à l’écriture indéniablement habile suggèrent plutôt un joyeux désordre et des orages spectaculaires.


Le site de Daniel Kawka
Le site de l’Ensemble orchestral contemporain
Le site d’Ondrej Adámek



Simon Corley

 

 

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