About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Enfer et damnation

Paris
Auditorium du Louvre
03/14/2012 -  et 11 (London), 22 (Isle of Man) juin, 8 (Leicester), 21 (Verbier) juillet, 26 (Hobart), 27 (Melbourne), 29 (Canberra) septembre, 1er (Melbourne), 4 (Perth), 6 (Adelaide), 8 (Newcastle), 17 (Sydney), 19 (Brisbane), 22 (Sydney) octobre, 7 (Shanghai) décembre 2011, 12 (Stockholm), 16 (Santa Fe), 19 (Miami) février, 11 (Dublin), 17 (Walnut Creek), 18 (San Francisco), 19 (Palo Alto) mars, 21 (Milan), 26 (Berlin) mai, 10 juin (Chicago), 1er juillet (Singapour) 2012
Ludwig van Beethoven : Sonate, opus 27 n° 2 «Clair de lune»
Stephen Hough : Sonata for piano «Broken Branches» (création française)
Alexander Scriabine : Sonate n° 5, opus 53
Franz Liszt : Sonate en si mineur

Stephen Hough (piano)


S. Hough (© Grant Hiroshima)


Belle affluence pour Stephen Hough (né en 1961) dans ce programme un peu bref (qu’il complétait encore l’an dernier par la Quatrième Sonate de Scriabine) mais d’une grande intensité et d’une rare cohérence. Mi-moine (la concentration de l’interprète devant son instrument force l’admiration), mi-pèlerin (la liste des étapes de sa tournée donne le tournis), l’artiste australo-britannique ne s’arrête que rarement dans la capitale française mais y entretient des liens suffisamment solides avec l’Auditorium du Louvre pour que ce dernier lui ait commandé une œuvre (en partenariat avec le Wigmore Hall et MusicaViva).


Donnée en création française (la création mondiale a eu lieu le 11 juin 2011 à Londres) et constituée de seize mouvements (brefs et enchaînés les uns aux autres), la Sonate «Branches brisées» (2010) témoigne – en environ un quart d’heure – d’une évidente proximité (stylistique comme thématique) avec Janácek, le compositeur évoquant un «hommage indirect au cycle Sur un sentier recouvert». Mais l’on identifie également – dans cette musique hautement discursive – des connexions fertiles avec Bartók et surtout Messiaen. On en vient à voir en Stephen Hough un être torturé («toute plaie si profonde soit-elle ne peut être refermée»), en proie aux questionnements existentiels et spirituels («le doute et le désespoir s’invitent dans un contexte de fervente profession de foi»), cherchant à exprimer dans son jeu les luttes et les interrogations qui animent son esprit.


Signant les notes du concert, le pianiste décrit d’ailleurs la Cinquième Sonate (1907) de Scriabine comme un «voyage extatique et concentré vers un monde où toute tradition et toute morale ont disparu» et identifie même – dans le final de la Sonate «Clair de lune» (1801) – le «refus de laisser la moindre lueur éclairer [les] ténèbres». Autant dire que ce Beethoven-là ne connaît aucune sentimentalité mièvre, l’irrégularité du rythme du premier mouvement diffusant une noirceur presque dépressive, la précipitation du troisième – le pianiste s’y emmêlera, du coup, les doigts! – sonnant comme un cri hystérique et féroce – «d’une turbulence sans répit». De même, la noirceur du jeu se mêle – dans Scriabine – à une violence et à une rage que l’interprétation vénéneuse de Stephen Hough traduit par une sonorité crue et furieusement sèche, notamment dans l’aigu.


On n’est donc nullement étonné que le pianiste dépeigne la Sonate en si mineur (1853) de Liszt comme une «représentation de la lutte entre le bien et le mal». S’il lui fallait disposer de la partition pour exécuter ses Broken Branches, Stephen Hough n’a besoin de rien d’autre que de sa mémoire pour interpréter cette œuvre qu’il maîtrise tellement que son propos parvient à se faire à la fois juste et original, authentique et personnel. D’une grande variété de climat, d’une éloquence tonitruante (la puissance des fortissimos, l’intensité véhémente de la frappe), c’est dans le cantabile que l’émotion est la plus vive, la plus touchante, la plus simple aussi. Et, pour une fois, on en vient à regretter que cette émotion – exhalée par un piano de l’enfer et de la damnation – soit altérée par des bis... bien en décalage avec la thématique et la cohérence du programme.


Le site de Stephen Hough



Gilles d’Heyres

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com