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Un Così revigorant Paris Théâtre des Champs-Elysées 10/12/2000 - et 14, 16, 18, 20, 22 octobre 2000 Wolfgang Amadeus Mozart : Così fan tutte Alexandra Deshorties (Fiordiligi), Bernarda Fink (Dorabella), Ildebrando D’Arcangelo (Guglielmo), Jeremy Ovenden (Ferrando), Pietro Spagnoli (Don Alfonso), Graciela Oddone (Despina) Chœur de l’Académie Européenne de Musique d’Aix-en-Provence, Concerto Köln, René Jacobs (direction) Chen Shi-Zheng (mise en scène)
On connaissait déjà le Così de René Jacobs par un CD sorti l’année dernière (voir ici) chez Harmonia Mundi : son Mozart sanguin, anguleux, débordant de vie s’était révélé absolument captivant. Avec cette production du Festival d’Aix créée cet été, on retrouve ces mêmes qualités sur la scène et la tension de la représentation ne fait rien perdre en justesse aux musiciens. Les vents, privilégiés - par le chef autant que par l’acoustique - par rapport aux cordes, sont toujours d’une réelle sûreté d’intonation. Le pianoforte intervient toujours comme un véritable personnage dans les récitatifs. Loin d’être une simple "mise au goût du jour de Mozart par les baroqueux", l’approche de René Jacobs est d’abord celle d’un grand musicien : sa faculté à modeler le tempo sur la phrase musicale, son dialogue avec les chanteurs en témoignent.
Sur scène, les six protagonistes produisent un chant à l’image de cette lecture à la fois ciselée et enflammée : voix très bien placée, bonne prononciation (du théâtre quoi ! Et non pas une suite de voyelles comme le font certains chanteurs souhaitant se mettre en valeur à peu de frais) et de la vigueur, de l’énergie ! Bernarda Fink (Dorabella), Pietro Spagnoli (Don Alfonso) et Graciela Oddone (Despina), présents sur l’enregistrement, sont très convaincants, très crédibles. L’Argentine Bernarda Fink notamment, sait allier caractère et souplesse, un alliage pas toujours évident chez une mezzo. Ildebrando D’Arcangelo, chanteur déjà confirmé, campe un excellent Guglielmo dont pâtit le Ferrando un peu en retrait de Jeremy Ovenden. La jeune soprano canadienne Alexandra Deshorties, qui fait ses débuts européens avec cette production, affiche une maîtrise vocale, un timbre et une présence sur scène qui lui promettent beaucoup pour les années à venir…
La rigueur et la cohérence étaient du côté de la musique ce soir. La mise en scène de Chen Shi-Zheng présente bien quelques idées intéressantes comme une certaine stylisation des sentiments par des attitudes chorégraphiques ou la notion de « scène sur la scène » puisque le jeu se déroule dans un jardin auquel accèdent les sœurs, les fiancés, Don Alfonso et Despina, mais aussi les accessoiristes. Mais la réalisation n’évite pas quelques facilités (Despina en médecin plus grotesque qu’il ne le faut), approximations ou surcharges (le chœur - très bon - dans le final, qui fait le ménage, répand du sable…) ou images poétiques à deux francs style Grüber (celui qui trouve la signification du sanglier trônant sur scène durant la première partie du second acte gagne un abonnement d’un an à la Revue de sémiologie appliquée). Mais finalement pas de quoi gâcher une magnifique soirée d’opéra.
Diffusion sur Radio Classique le 6 décembre à 20h40
Philippe Herlin
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