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Le crépuscule d’une idole

München
Nationaltheater
02/01/2012 -  et 5, 9, 13* février 2012
Gaetano Donizetti : Roberto Devereux

Edita Gruberova (Elisabetta), Fabio Maria Capitanucci (Duc de Nottingham), Sonia Ganassi (Sara), Joseph Calleja (Roberto Devereux), Francesco Petrozzi (Lord Cecil), Tareq Nazmi (Sir Gualtiero Raleigh), John Chest (Un page de Roberto), Johannes Klama (Giacomo)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Statisterie der Bayerischen Staatsoper, Sören Eckhoff (direction des chœurs), Bayerisches Staatsorchester, Friedrich Haider (direction musicale)
Christof Loy (mise en scène), Herbert Murauer (scénographie et costumes), Reinhard Traub (lumières), Peter Heilker (dramaturgie)


Créée sur mesure pour Edita Gruberova à la Staatsoper de Munich en 2004, la production de Christof Loy fait partie du fonds du répertoire de la maison, reprise chaque fois avec le soprano slovaque à la tête de la distribution. On en avait gardé des braises de fascination dont on attendait de ranimer la flamme. Il n’en fut rien.


Le rideau s’ouvre sur des bureaux que l’on met en ordre avant l’heure d’ouverture. On attend la patronne, Elisabetta, qui arrive en tailleur gris, port altier et sac à main inamovible sous le bras. Au deuxième acte, elle porte un tailleur céladon, et toujours ce blond laqué lui donnant des airs à la Margaret Thatcher, avant de revêtir une robe longue et noire dans le dernier, signe de la solennité et du sacrifice dans le système sémiologique du metteur en scène allemand. Le plafond s’abaisse lorsque l’on entre dans l’antichambre des complots, mais on retrouve les vastes dimensions de l’espace officiel dans la scène finale. On dispose là d’une matrice fonctionnelle comme une autre, et qui, sans rien retirer à la performance de ses partenaires, rayonne à partir de la prima donna.


Mais la Gruberova, douée d’un sens inné de la théâtralité, et d’une remarquable résistance aux outrages des ans, tourne aujourd’hui à la caricature. Longtemps elle a réussi à compenser les altérations de son matériau vocal, inaugurant maints stratagèmes pour se tirer d’affaire dans des partitions qui ne sont pas écrites pour sa tessiture. Le bas du registre, plaqué sur la poitrine, confine ce soir à la laideur. Les aigus, hier encore arrachés parfois de haute lutte, sont désormais hors de portée – un demi-ton trop bas pour l’un, mais amené proprement, tandis qu’un autre patine dans de pénibles stridences. C’est à un véritable cirque que l’on assiste, et l’illusion se craquèle. Le public bavarois, qui partage avec celui de Vienne un goût pour la gérontophilie vocale, fait cependant un triomphe à son idole. L’amour n’a pas d’oreilles.


Et les souffrances qui étaient réservées aux nôtres ne s’arrêtent hélas pas là. Sonia Ganassi (Sara) commence avec une émission irrégulière, mieux jugulée ensuite. On passera sous silence le Lord Cecil fruste de Francesco Petrozzi, tandis que le duc de Nottingham chanté par Fabio Maria Capitanucci ne franchit guère notre Léthé. On se raccrochera au Roberto de Joseph Calleja, seule voix convenable et saine au milieu de ce festival de malcanto, quoiqu’affectée d’un vibrato parfois un peu large pour ce répertoire. On mentionnera le page bien projeté de John Chest. Tareq Nazmi s’acquitte du rôle de Sir Gualtiero et Johannes Klama assure la figuration conclusive de Giacomo couronné roi d’Ecosse à la mort d’Elisabetta. A la tête de l’Orchestre d’Etat de Bavière, Friedrich Haider conduit la partition de Donizetti avec une certaine brutalité, et affronte quelques déséquilibres passagers entre les pupitres. La performance des chœurs de la maison, préparés par Sören Eckhoff, s’avère honnête à défaut d’être toujours intelligible.


Nous aurions par ailleurs dû vous entretenir de La traviata vue par Günter Krämer, donnée le lendemain soir en ces murs, avec le Germont de Leo Nucci. Toutefois, la promptitude de l’institution munichoise à revendre le billet de presse d’un journaliste arrivé avant le début de la représentation – mais après l’expiration d’un délai sur le respect duquel son attention n’avait pas même été attirée et s’appliquant avec la même rigueur nonobstant les rues enneigées en cette soirée de la Saint-Valentin – en a décidé autrement. Le Ring de la Bastille nous autoriserait à quelques conjectures sur une production sans doute très Regietheater, mais on ne saura pas si l’italianità de Verdi aura été autant malmenée que celle de Donizetti. La légendaire Gemütlichkeit de la Bavière est en tout cas bien une légende à la Bayerische Staatsoper.



Gilles Charlassier

 

 

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